LA PASSION « MYSTIQUE » DE L’ÉGLISE
« JÉSUS-CHRIST et l’Église forment un tout indivisible;
le sort de l’un, c’est le sort de l’autre;
et de même que là où est la tête, là également doit se trouver le corps,
de même les mystères qui se sont accomplis en JÉSUS-CHRIST
durant sa vie terrestre et mortelle
doivent se parachever en son Église durant sa vie militante d’ici-bas.»
(Mgr de Ségur, De la Passion, de la résurrection
et du triomphe final de JÉSUS-CHRIST en son Église, Œuvres, t. Xe, 1897,p. 168).
I. Eschatologie catholique et fins des temps
Le dogme de l’indéfectibilité de l’Église, par la promesse « infaillible » annoncée par Jésus-Christ, de ne jamais faire défaut à son Eglise, nous permet d’être absolument certains que Rome gardera jusqu’à la fin des temps sa « visibilité », malgré les faiblesses et les épreuves, ce que le « Grand catéchisme de Saint Pie X », dans le commentaire du 9e article du Credo, souligne très clairement : « L’Église catholique peut-elle être détruite ou périr ? Non ; l’Église catholique peut être persécutée, mais elle ne peut être détruite ni périr. Elle durera jusqu’à la fin du monde parce que, jusqu’à la fin du monde, Jésus-Christ sera avec elle, comme il l’a promis. » (Catéchisme de Saint Pie X, 1906).
Nous sommes donc, dans le cadre de la désorientation actuelle, en présence d’un « mystère », un « mystère d’iniquité » selon saint Paul (« Car le mystère d’iniquité se forme dès à présent, mais seulement jusqu’à ce que celui qui le retient encore paraisse au grand jour », II Thessaloniciens II, 7), qui est un « mystère intérieur à l’Eglise elle-même » ; nous ne sommes pas confrontés au triomphe d’une « autre entité » qui aurait, à Rome, « éclipsé » la véritable Eglise lors de Vatican II – ce qui ne se peut aucunement, sous peine de souscrire à l’idée d’un abandon de l’Eglise par le Christ, proposition impie et blasphématoire, à laquelle souscrivent implicitement et explicitement les sédévacantistes qui, enfreignant le « droit divin », jugent le pape en hérésie en for interne, et agissent comme s’ils disposaient d’un pouvoir délibératif et décisionnel sur la personne du pontife, ce qui est non seulement formellement interdit par l’Eglise, mais en plus ne relève que de l’autorité dont dépend le pape, à savoir Le Christ et Lui Seul.
Cependant, si telle est la situation, c’est-à-dire que nous nous trouvions dans « le temps de formation de l’iniquité », alors il est évident que nous sommes en présence d’une période de combat qui se déroule « dans l’Eglise », comme dans toute la Création depuis la Chute, et ce combat à l’intérieur de l’Eglise – pas plus que le Ciel, lieu où les anges se sont révoltés –, est un combat engagé au sein même de l’Eglise, comme il eut lieu originellement dans le Ciel, qui cependant, ne cessa point d’être le lieu où règne Dieu.
II. Le mystère de l’Eglise est celui du « combat entre Dieu et Bélial »
De la sorte, pas plus que le Ciel n’a été « éclipsé » (sic !), voilé par Satan et ses légions lors de la révolte des anges rebelles, de même « l’Eglise », en laquelle « la charité du Christ est indéfectible, car L’Église est le Corps du Christ, l’Épouse du Christ, le troupeau des brebis du Christ, l’Évangile continué, le lieu de l’habitation de l’Esprit Saint et de la sainte Trinité ; la maison, le tabernacle, la cité, le peuple, le royaume de Dieu » (Charles Journet, Le Traité de l’Eglise, 1957), ne peut être « éclipsée », c’est-à-dire cachée ou voilée, dissimulée à la visibilité, par une « contre-église » usurpatrice des titres, charges et possessions de la véritable Eglise, si ce n’est, par supposition impossible et abominablement hérétique, en considérant que le Christ aurait été vaincu, idée que l’on retrouve dans une certaine littérature millénariste, mais qui est dénuée de fondement théologique.
Les deux cités, comme le souligne saint Augustin,
s’affrontent en une lutte permanente,
et ce combat ne cessera qu’à la fin des siècles.
La seule chose vraie, métaphysiquement, c’est que la lutte contre Bélial est intrinsèque à la vie de l’Eglise, puisque les deux cités, comme le souligne saint Augustin, s’affrontent en une lutte permanente, et ce combat – qui est un « drame » en effet, dont le Golgotha fut à la fois le lieu par excellence où il se déroula le « Vendredi Saint », mais aussi le signe de sa fin par la victoire du Christ sur le bois sacré de la Croix et sa divine Résurrection le dimanche de Pâques – ne cessera qu’à la fin des siècles : «Dieu laisse subsister en face de son Église, selon une loi non plus de distinction cette fois mais d’opposition, la cité du mal, le dragon qui la chasse au désert. Cette opposition de la lumière et des ténèbres, du Christ et de Bélial (II Cor., VI, 15), se produira non seulement entre les chrétiens et leurs adversaires, mais à l’intérieur même de chaque chrétien, entre ce qui relève en lui du ciel et ce qui relève encore de l’enfer. Oublier cette loi, plus intérieure et plus crucifiante que la précédente, ce serait rejoindre les erreurs millénaristes qui annoncent pour ici-bas l’avènement d’un royaume qui parviendrait à balayer de la surface de la terre les ténèbres du malheur et du péché. » (Charles Journet, Le Traité de l’Eglise, 1957).
III. L’Eglise catholique de Rome est l’Eglise véritable
Ainsi, ce qui est vrai, c’est que l’Eglise n’a point été « éclipsée », que la structure visible et hiérarchique de Rome conserve l’héritage authentique de la catholicité, et que les papes qui se succèdent depuis Vatican II, bien qu’imprégnés d’idées modernistes, sont des pontifes de la « vraie Eglise visible », et c’est de cette lignée successorale éternelle, de « droit divin », que surgira, un jour, un pape traditionnel, lorsque le Ciel en décidera, car il ne peut en surgir que de cette succession romaine, sacrée, ininterrompue, et qui ne doit jamais l’être, sous peine de destruction de l’Eglise [1], ceci étant l’objet d’une assurance formelle et dogmatique, ainsi formulée lors du concile Vatican I : « Si donc quelqu’un dit que ce n’est pas par l’institution du Christ ou de droit divin (iure divino), que le bienheureux Pierre a des successeurs perpétuels (perpetuos successores) dans sa primauté sur l’Église universelle, ou que le Pontife romain n’est pas le successeur du bienheureux Pierre en cette primauté, qu’il soit anathème. » (Constitutio dogmatica Pastor Aeternus § 2. De perpetuitate primatus beati Petri in Romanis Pontificibus, Vatican I, 1870).
« …le Pontificat lui-même provient du Christ ;
la personne au contraire en tant que telle procède de ses causes naturelles,
mais en tant qu’élue et désignée au Pontificat elle procède des électeurs;
il leur appartient de désigner la personne:
mais l’union elle-même procède du Christ… »
(Saint Robert Bellarmin, De Romano Pontefice I. 2).
Les pontifes modernistes actuels, sont donc des papes dans lesquels, possiblement – ceci étant une hypothèse dont il ne nous appartient pas de juger de sa résolution –, ne se trouve plus que l’aspect matériel de la papauté, ceci en vertu de la distinction établie par saint Robert Bellarmin (1542-1621), entre la « matière » (la personne), et la « forme » (le pontificat) dans le pape : « Il faut observer que dans le Pontife coexistent trois éléments: Le Pontificat lui-même (le primat précisément), qui est une certaine forme: la personne qui est le sujet du Pontificat (ou primat) et l’union de l’un avec l’autre. De ces éléments, seul le premier, c’est-à-dire le Pontificat lui-même provient du Christ; la personne au contraire en tant que telle procède sans doute de ses causes naturelles, mais en tant qu’élue et désignée au Pontificat elle procède des électeurs; il leur appartient de désigner la personne: mais l’union elle-même procède du Christ, par le moyen (ou en le présupposant) l’acte humain des électeurs… On dit donc en vérité que les électeurs créent le Pontife et sont la cause qu’un tel soit Pontife… toutefois ce ne sont pas les électeurs qui donnent l’autorité ni ne sont cause de l’autorité. De même que dans la génération des hommes l’âme est infuse seulement par Dieu et cependant, puisque le père qui engendre en disposant la matière est cause de l’union de l’âme avec le corps, on dit que c’est un homme qui engendre un autre homme mais on ne dit pas que l’homme crée l’âme de l’homme. » (Saint Robert Bellarmin, De Romano Pontefice I. 2).
C’est pourquoi, le pape reste donc dans sa charge, même s’il soutient l’erreur. Telle est la position constante de l’Eglise, ceci, indépendamment du fait que le Magistère ordinaire soit, en théorie, « infaillible ». Et le pontife élu doit être reconnu comme pape, du moins « matériellement », quelles que soient ses positions aventureuses, voire les reproches ou critiques que l’on puisse exprimer vis-à-vis de ses déclarations, car nul en ce monde n’a autorité pour déposer un pape dont la charge ne dépend, du point de vue de l’autorité, que du Christ. [2]
De ce fait, puisque l’Église, ni quiconque ici-bas n’est supérieur au pape, et que lui-même n’a aucune instance plus éminente que lui en ce monde en matière de dignité et d’autorité, il n’est, et ne peut jamais être déposé ou publiquement déclaré tel de par l’effet d’un jugement privé. C’est pourquoi, et malgré les circonstances fussent-elles tragiques, on peut penser ce que l’on veut, considérer que le pape enseigne des erreurs et n’est peut-être plus catholique, qu’il soutient des positions contraires à la Foi de toujours, comme que nous le constatons chez les pontifes depuis 1962, néanmoins : « De droit divin, l’Église est unie au pape comme le corps à la tête… » (Tit., III, 10). La charge pontificale relève du droit divin, s’y opposer, le contester, ne pas se soumettre à cette loi par des positions induisant que l’Eglise n’a plus de pontife, c’est être formellement anathème selon les déclarations de Vatican I. [3]
IV. Le Fils de perdition doit « entrer dans l’Eglise »
Toutefois, la seule manière de pouvoir tenir en un même ensemble indissociable, la continuité éternelle de la succession pontificale, « matérielle » et « formelle », relevant du « droit divin » imprescriptible de par son Divin fondateur, et la désorientation manifeste que représente « l’errance dans la foi » de Vatican II – et il faut bien admettre, que même si le concile ne voulut point faire usage de son infaillibilité, il relève bien du Magistère authentique de l’Eglise -, c’est d’examiner la situation au regard de ce que les Apôtres, les Pères, les saints, les docteurs et théologiens de l’Eglise, ont annoncé concernant les temps futurs que doit traverser et connaître l’épouse de Jésus-Christ.
Et là notre légitime incompréhension cesse face à la situation illogique et aux manifestes contradictions d’une telle impossibilité, car il y a un cas, et un cas unique uniquement où l’incohérence trouve sa résolution, c’est lorsqu’on envisage ce qui se déroule sous nos yeux depuis Vatican II, au regard de l’épreuve que l’Eglise doit traverser au cours de son séjour en ce monde. Et l’épreuve dont il s’agit, largement décrite et prédite, a été désignée par les docteurs sous le nom « d’apostasie » ; elle est très clairement prévue, et il est même question d’une positive et très concrète « entrée dans l’Eglise » – et non, ce qui est à noter, dans une « contrefaçon » qui aurait éclipsé la véritable Eglise -, du « Fils de la perdition »
Ces prédictions ne sont point sujettes à caution, issues du fruit de l’imagination débordante de quelques visionnaires emportés par leur inspiration personnelle, le témoignage de personnalités enthousiastes, disons, pour être charitables, peu fiables et faiblement équilibrées. Tout au contraire. Nous sommes en présence d’analyses effectuées par des auteurs ecclésiastiques reconnus, et pour certains ayant même occupé les plus hautes fonctions hiérarchiques dans l’Eglise.
Ainsi, au titre de ces prédictions autorisées, plusieurs possèdent, de par la précision de leurs détails, la profondeur de leurs vues surnaturelles, une place singulièrement importante, comme nous allons pouvoir en juger.
« Les apostasies seront nombreuses,
on verra les conducteurs des peuples fléchir le genou devant l’idole régnante,
un grand nombre déserteront la vérité
et se laisseront emporter par le courant de la dépravation.»
Abbé Charles Arminjon,
(Fin du monde présent et mystères de la vie future, 1881).
L’Abbé Charles Arminjon (1824-1885), prêtre de Chambéry, dans son ouvrage, « Fin du monde présent et mystères de la vie future » (1881), expliqua, avec une remarquable science, ce que l’Eglise allait traverser : « Les apostasies seront nombreuses, et les courages deviendront rares. Il est écrit que les vertus des cieux seront ébranlées et que les étoiles du ciel tomberont. En d’autres termes, on verra les conducteurs des peuples fléchir le genou devant l’idole régnante, et, ce qui est plus désolant encore, c’est que, parmi les dispensateurs de la science, les astres de la théologie, les bouches d’or de l’éloquence sacrée, un grand nombre déserteront la vérité et se laisseront emporter par le courant de la dépravation. (…) Saint Paul nous apprend encore que Jésus‑Christ ne descendra pas une seconde fois avant que ne vienne la grande apostasie (…) si la défection continue son cours, on peut prédire que cette guerre faite à Dieu doit fatalement aboutir à l’apostasie totale et consommée. De la statolatrie, c’est‑à‑dire de l’esprit utilitaire et de l’adoration du Dieu‑État, qui est le culte de notre époque, à l’adoration de l’homme individu, il n’y a qu’un faible pas à franchir. Nous y touchons presque…». (Abbé C. Arminjon, Fin du monde présent et mystères de la vie future », Victor Palmé, 1881).
Le cardinal Louis Billot, s.j. (1846-1931), dit quant lui : « cette apostasie, cette défection générale de la foi de Jésus-Christ, cette élaboration de l’œuvre d’iniquité dont un mystérieux empêchement retardait l’éclosion, cet avènement du méchant », c’est-à-dire, sans difficulté, du grand et principal antéchrist dont tant d’autres devaient être les précurseurs, tout cela évidemment n’était pas de ces choses qui adviennent en un clin d’œil, qui commencent, qui se développent, qui évoluent du jour au lendemain. » (L. Billot, La Parousie, Beauchesne, 1920, p. 198).
De même, le vénérable Barthélémy Holzhauser (1613-1658), qui écrivit une « Interprétation de l’Apocalypse », soutient qu’au septième et dernier âge, celui de la désolation, le « Fils de la perdition entrera dans l’Eglise » : « une très grande partie de l’Église latine abandonn(er)a la vraie foi et tomb(er)a dans les hérésies en ne laissant en Europe qu’un petit nombre de bons catholiques… Et alors le Christ commencera à vomir l’Eglise de sa bouche, et permettra que Satan soit délié et étende son pouvoir en tous lieux ; et que le Fils de perdition entre dans le royaume, qui est l’Eglise. » (Interprétation de l’Apocalypse renfermant l’histoire des sept âges de l’Eglise catholique, traduit du latin par le Chanoine de Wuilleret, Librairie Louis Vivès, 1856, t. I, pp. 159 ; 210).
Enfin, le Père Emmanuel André, o.s.b. (1826-1903), qui obtint, Le 5 juillet 1852, du pape Pie IX, l’institution d’une fête annuelle dans sa paroisse, sous le nom «Notre-Dame de la Sainte-Espérance » puis, souhaitant embrasser la vie monastique, le 30 novembre 1864, reçut de son évêque l’habit bénédictin et le nom de religieux sous lequel il passa à la postérité, devenant en 1892 Abbé de « Notre-Dame de la Sainte-Espérance », rédigea plusieurs ouvrages édifiants, mais parmi ceux-ci, publia un texte intitulé « Le drame de la fin des temps » (1895), dans lequel il exposait ces importantes vérités : « Dieu a voulu que les destinées de l’Église de son Fils unique fussent tracées d’avance dans les Écritures, comme l’avaient été celles de son Fils lui-même…. L’Église, devant être en tout semblable à Notre Seigneur, subira, avant la fin du monde, une épreuve suprême qui sera une vraie Passion. Ce sont les détails de cette Passion, en laquelle l’Église fera voir toute l’immensité de son amour pour son divin Époux, qui se trouvent consignés dans les écrits inspirés de l’Ancien Testament et du Nouveau. (…) L’Église, comme Notre Seigneur, sera livrée sans défense aux bourreaux qui la crucifieront dans tous ses membres ; mais il ne sera pas permis de lui briser les os, qui sont les élus, pas plus qu’à l’agneau pascal étendu sur la croix. L’épreuve sera limitée, abrégée à cause des élus ; et les élus seront sauvés ; et les élus, ce seront tous les vrais humbles. (…) De quelle apostasie saint Paul veut-il parler ? Il ne s’agit pas d’une défection partielle ; car il dit d’une manière absolue, l’apostasie (…) Seule, cette apostasie rendra possible la manifestation, et la domination de l’ennemi personnel de Jésus-Christ, en un mot de l’Antéchrist. Notre Seigneur a dit : Pensez-vous que le Fils de l’homme, à sa venue, trouvera la foi sur la terre ? (Luc, XVIII, 8.) (…) Saint Grégoire le Grand, en ses lumineux commentaires sur Job, ouvre les aperçus les plus profonds sur toute l’histoire de l’Église. L’Église, dit maintes fois le grand pape, vers le terme de son pèlerinage, sera privée de tout pouvoir temporel ; on cherchera à lui enlever tout point d’appui sur la terre (…) Mais il va plus loin encore, et il déclare qu’elle sera dépouillée de l’éclat même qui provient des dons surnaturels. » (P. Emmanuel André, Le drame de la fin des temps, 1895).
V. L’Eglise est entrée dans les temps de sa « Passion mystique »
Ce à quoi nous assistons, de par la situation tout à fait exceptionnelle que nous traversons, ce n’est donc pas « l’éclipse de l’Eglise » voilée par une contrefaçon parodique et usurpatrice, mais c’est un temps d’épreuve, une authentique « Passion », un « Vendredi Saint », pour le dire clairement « la Passion de l’Église », ou « Passion mystique du Christ » revécue, que plusieurs théologiens, très éloignés des millénarismes et messianismes spéculatifs en grande faveur chez les schismatiques soutenant l’idée d’une « Eglise éclipsée », désignent comme étant l’épreuve finale qu’aurait à subir l’Église dans la période annonçant la « Fin des Temps », précisément une période où adviendra « l’apostasie ». [4]
Selon l’eschatologie catholique, en effet l’Église, avant la Parousie, c’est-à-dire le second avènement du Christ, doit subir une « Passion » à l’image du Verbe incarné, dont elle est le corps mystique. Ce temps de « Passion », peut s’étendre sur une très longue période et il serait aventureux de vouloir en annoncer la durée accomplie et l’arrivée prochaine du Fils de Dieu. Tout cela peut se dérouler sur des siècles, comportant des avancées vers l’apostasie, puis des retours, pour des périodes courtes ou étendues, vers la tradition, en un mouvement apparemment contradictoire qui sera cependant représentatif du trouble consécutif des épreuves qu’aura à traverser l’Eglise.
‘‘ηλι ηλι λαμα σαβαχθανι / êli, êli, lama sabachthani’’
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
(Matthieu, XXVII, 46 ; Marc XV, 34).
« Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde :
il ne faut pas dormir pendant ce temps-là (…)
Le ciel et Lui sont seuls dans cette connaissance.
Jésus est dans un jardin, non de délices comme le premier Adam,
où il se perdit et tout le genre humain,
mais dans un de supplices, où il s’est sauvé et tout le genre humain.
Il souffre cette peine et cet abandon dans l’horreur de la nuit… »
(Blaise Pascal, Le mystère de Jésus, 1651).
N’oublions pas, comme l’écrivait Blaise Pascal (1623-1662), que le « Christ sera en agonie jusqu’à la fin du monde », et que si le Christ doit vivre son agonie jusqu’à la consommation des siècles, l’Eglise, son épouse mystique, unie intimement à son époux dont elle partage les joies et les peines, elle, également, participe des mêmes tourments et humiliations subis par Celui dont elle reçoit la vie. [5]
VI. La « Passion » en sa tragique et douloureuse dimension « mystérique » et « mystique »
Mais il est nécessaire de bien percevoir ce que signifie « La Passion » du Christ dans toute sa dimension tragique et douloureuse, si nous souhaitons pouvoir mesurer, entièrement, ce qu’il doit advenir à l’Eglise à son tour.
Ainsi, la Passion a consisté pour le Christ, selon saint Paul, de « devenir » péché, « malédiction » au yeux de son Père, être fait « esclave » en « s’anéantissant » : « Celui qui n’a point connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu » (2 Corinthiens V, 21) ; « Jésus-Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous-car il est écrit: Maudit est quiconque est pendu au bois… » (Galates III, 13) ; « Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit (εκένωσεν) lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix ! » (Philippiens II, 6). De ce fait, si l’Eglise doit partager le même sort que son Divin fondateur, il lui faut assumer une condition « pécheresse », et ce malgré sa « sainteté » constitutive que rappelle Pierre (I Pierre II, 22), en allant au bout, dans son « Imitation », de ce que signifie le « mystère » de déréliction et d’abjection de la Croix absolument impensable : « scandale pour les Juifs et folie pour les païens » (1 Corinthiens I, 23), « mystère » qui est au cœur même du drame du Golgotha et de toute la religion chrétienne.
« Jésus s’était chargé de tous les péchés du monde.
Quoiqu’il fût le plus saint de tous les hommes, ou plutôt la sainteté même,
ayant pris sur lui la charge de satisfaire pour tous nos péchés,
il paraissait le plus grand pécheur de l’univers (…)
Jésus-Christ se troubla à l’aspect de sa mort.. »
(Saint Alphonse-Marie de Liguori).
Saint Alphonse de Ligori ( + 1787), parmi les docteurs de l’Eglise, est celui qui a le plus précisément décrit la nature du drame vécu par Notre Seigneur, il nous montre le caractère « inégalable » de la Passion de Jésus, en raison de la « Justice » subie de la part de Dieu, ce qu’il représenta d’ailleurs dans un tableau du « Christ en Croix » peint de ses mains (ci-contre). Cette « Justice » possède un caractère extrême en raison de la « colère » de Dieu suite au péché originel, colère qui est retombée sur le Christ à la Croix selon la parole du Psaume : « Sur moi pèse ta colère; … tes épouvantes m’ont réduit à rien » (Ps 87, 8-17). Voici ce qu’écrit saint Alphonse de Ligori : « il a voulu souffrir autant que s’il eût été lui-même l’auteur de toutes nos fautes (…) Ainsi s’est vérifiée cette parole d’Isaïe, que Dieu a voulu ‘‘broyer son Fils dans les souffrances’’, pour le salut du monde (Is. 53, 10-11) (…). Sur moi pèse ta colère; … tes épouvantes m’ont réduit à rien » (Ps 87, 8.17), ce qui signifie que toute la colère de Dieu excitée par nos péchés est venue retomber sur la personne du Sauveur. On entend dans le même sens ce que l’Apôtre dit : « Il est devenu malédiction pour nous » (Ga 3, 13). Jésus devint la malédiction, c’est-à-dire l’objet de toutes les malédictions que méritent les pécheurs. (…) Mais, la douleur qui affligea le plus profondément notre doux Rédempteur, ce fut d’être abandonné même de son Père éternel; aussi s’écria-t-il alors, conformément à la prophétie de David: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? Loin de me sauver les paroles de ma bouche » (Ps 21, 2). C’est comme s’il eût dit : « Mon Père ! les péchés des hommes, que j’appelle les miens parce que je m’en suis chargé, m’empêchent de me délivrer de ces souffrances qui consument ma vie ; mais vous, mon Dieu ! dans cette extrême désolation, pourquoi m’avez-vous abandonné ? (…) Et c’est comme submergé dans cet abîme de douleurs, intérieures et extérieures, que l’aimable Jésus a voulu finir sa vie, conformément à la prophétie de David: « Je suis entré dans l’abîme des eaux et le flot me submerge » (Ps 68, 3). (…) Jésus s’était chargé de tous les péchés du monde. Quoiqu’il fût le plus saint de tous les hommes, ou plutôt la sainteté même, ayant pris sur lui la charge de satisfaire pour tous nos péchés, il paraissait le plus grand pécheur de l’univers (…) et comme nous méritions d’être à jamais abandonnés dans l’enfer et livrés à un désespoir éternel, il a voulu être lui-même abandonné à une mort sans consolation, afin de nous délivrer de la mort éternelle. Saint Augustin observe en outre que, si Jésus-Christ se troubla à l’aspect de sa mort, ce fut pour la consolation de ses serviteurs, afin que, s’il leur arrive d’éprouver quelque trouble lorsqu’ils se voient sur le point de mourir, ils ne se regardent pas comme réprouvés et ne s’abandonnent pas au désespoir, puisque le Seigneur lui-même se troubla dans cette circonstance. » (Saint Alphonse-Marie de Liguori, Considérations sur la Passion de Jésus-Christ, 1761).
Voici donc les grandes vérités de la Passion du Christ :
– 1°) Jésus a vu peser sur lui la « colère de Dieu » (Ps 87, 8.17) ;
– 2°) Jésus est « devenu malédiction pour nous » (Ga 3, 13), et fut « abandonné » de la part de son Père (Mt 27, 46) ;
– 3°) Jésus à la Croix a pris la « condition d’esclave » (Ph 2, 7) ;
– 4°) Jésus parut « le plus grand pécheur de l’univers », et fut « troublé » à l’instant de sa mort par des « peines intérieures ».
Transposons ces vérités à propos de la « Passion » de l’Eglise, dans son Imitation du Christ :
– 1°) L’Eglise verra peser sur elle la « colère de Dieu » (Ps 87, 8.17) ;
– 2°) L’Eglise « deviendra malédiction pour nous » (Ga 3, 13), elle sera « abandonnée » de la part du Père (Mt 27, 46) ;
– 3°) L’Eglise lors de sa Passion prendra la « condition d’esclave » (Ph 2, 7) ;
– 4°) L’Eglise paraîtra « la plus grande pécheresse de l’univers », elle sera « troublée » à l’instant de sa mort par des « peines intérieures ».
« Le voilà prosterné et abattu, gémissant sous ce poids honteux [des torrents de péché],
n’osant seulement regarder le ciel ;
tant sa tête est chargée et appesantie par la multitude de ses crimes,
c’est-à-dire des nôtres, qui sont véritablement devenus les siens. »
(Bossuet, Premier Sermon pour le Vendredi Saint,
sur la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ,
Œuvres complètes, vol. X, Librairie Louis Vivès, 1863).
Voilà, terrible et incroyable, « scandaleuse » et folle », mais cependant «infaillible », la Vérité catholique ! L’Eglise, comme le Christ, doit être faite « péché » et endurer les affres de la « mort mystique » : « En ce sens, l’Eglise est « faite péché pour notre salut » (II Corinthiens V, 21). » (Saint Thomas d’Aquin, Commentaire sur II Cor. V, 20-21). Mais pour cela, pour comprendre théologiquement la situation présente de l’Eglise « pécheresse », « faite péché » à l’image du Christ sur la Croix, « prosterné et abattu, gémissant sous ce poids honteux [des torrents de péché], n’osant seulement regarder le ciel ; tant sa tête est chargée et appesantie par la multitude de ses crimes, c’est-à-dire des nôtres, qui sont véritablement devenus les siens » (Bossuet, Sermon sur le Vendredi-Saint), encore faut-il entrer, par la prière et non le raisonnement et la logique – « laissons les raisonnements et les paroles étudiées, et appliquons nos esprits sérieusement sur cet étrange spectacle que le prophète nous représente » (Bossuet, ibid.) -, dans le « mystère » de la Passion et, par cette prière, aller au bout de l’exigence théologique et « mystique » de l’Imitation du Christ, par laquelle l’Eglise « comme son Divin Chef », paraîtra « vaincue ».
VII. L’Eglise doit, « infailliblement », achever en elle-même ce qui manque aux souffrances du Christ
« L’Église reproduit au cours des siècles
toute la vie du Christ, dont elle est le corps mystique(…)
l’Église, à la fin des temps, comme son Divin Chef sur la croix,
paraîtra vaincue, mais ce sera elle qui remportera la victoire »
Dom Gaspar Lefebvre, Missel Quotidien et Vesperal, 1937).
C’est pourquoi, Dom Gaspar Lefebvre (1880-1966), moine bénédictin à qui l’on doit un célèbre missel utilisé par des générations de fidèles catholiques, a établi un parallèle saisissant, dans le temps liturgique après la Pentecôte, entre la vie du Christ et l’histoire de l’Église : «Depuis les fêtes de la Pentecôte, où elle prit naissance, l’Église reproduit au cours des siècles toute la vie du Christ, dont elle est le corps mystique. Jésus, dès son enfance, est persécuté et doit fuir en Égypte tandis qu’on massacre les Saints Innocents, et l’Église aux premières années de sa vie subit les plus violentes persécutions et doit souvent se cacher dans les catacombes ou dans le désert. Jésus adolescent se retire à Nazareth et passe les plus longues années de sa vie dans le recueillement et la prière. Et l’Église, à partir de Constantin, connaît une longue ère de paix. Partout surgissent des cathédrales et des abbayes où résonne la louange divine, et où évêques et abbés, prêtres et religieux s’opposent, par l’étude et un zèle infatigable, à l’envahissement de l’hérésie. Jésus, le divin missionnaire envoyé par le Père dans les régions lointaines de cette terre, commence à trente ans sa vie d’apostolat. Et l’Église, à partir du xvie siècle, doit résister aux assauts du paganisme renaissant, et répandre dans les parties du globe récemment découvertes l’Évangile du Christ. Et de son sein surgissent sans cesse des milices nouvelles et de nombreuses légions d’apôtres et de missionnaires qui annoncent la bonne nouvelle par le monde entier. Enfin Jésus termine sa vie par le sacrifice du Golgotha bientôt suivi par le triomphe de sa résurrection. Et l’Église, à la fin des temps, comme son Divin Chef sur la croix, paraîtra vaincue, mais ce sera elle qui remportera la victoire. « Le corps du Christ qui est l’Église, dit Saint Augustin, à l’instar du corps humain, fut d’abord jeune, et voilà qu’à la fin du monde il aura une apparence de caducité ». » (Dom Gaspar Lefebvre, Missel Quotidien et Vesperal, Paris, 1937, p. 930).
Cette idée de Dom Lefrebvre : « l’Église, à la fin des temps, comme son Divin Chef sur la croix, paraîtra vaincue », est partagée par les docteurs de l’Eglise depuis saint Paul qui y fait directement allusion par ces paroles : « Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous ; et ce qui manque aux souffrances de Christ, je l`achève en ma chair, pour son corps, qui est l`Église. » (Colossiens, I 24).
« Ne faut-il pas que l’Eglise de jour en jour,
prenne davantage la ressemblance du Christ ?
Ne faut-il pas qu’elle soit comme la vivante image
de Celui qui a souffert de tels tourments et si nombreux ?
Ne faut-il pas que d’une certaine façon
elle achève en elle-même ce qui manque
aux souffrances du Christ (Coloss. I, 24) ?
C’est là le secret de cette loi de la souffrance
imposée par Dieu à son Eglise qui milite sur cette terre… »
(S. Pie X, Encyclique Communium Rerum, 21 avril 1909).
Saint Pie X, évoque quant à lui clairement, dans l’encyclique Communium Recrum, la loi de souffrance imposée par Dieu à son Eglise, qui la conduit à devoir « achever en elle-même ce qui manque aux souffrances du Christ », de sorte qu’elle soit « comme la vivante image de Celui qui a souffert de tels tourments » : « Le Seigneur est toujours là ; grâce à lui, tout concourra au bien de ceux qui l’aiment (Rom. vin, 28). Il tirera le bien du mal; les triomphes qu’il réserve à son Eglise seront d’autant plus éclatants que plus méchants ont été les efforts de la perversité humaine pour ruiner son œuvre. Telle est l’admirable grandeur des desseins de la divine Providence; telles sont ses voies impénétrables (Ibid. xi, 33), dans la situation présente; – car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, dit le Seigneur (Is. LV, 8). Ne faut-il pas que l’Eglise de jour en jour, prenne davantage la ressemblance du Christ ? Ne faut-il pas qu’elle soit comme la vivante image de Celui qui a souffert de tels tourments et si nombreux ? Ne faut-il pas que d’une certaine façon elle achève en elle-même ce qui manque aux souffrances du Christ (Coloss. I, 24) ? C’est là le secret de cette loi de la souffrance imposée par Dieu à son Eglise qui milite sur cette terre : les luttes, les oppressions, les angoisses seront à jamais son partage ; telle est la voie, telles sont les tribulations incessantes par lesquelles elle entrera dans le royaume de Dieu (Act. xiv, 21), pour se réunir enfin à l’Eglise triomphante du ciel. Ils se trompent donc singulièrement, ceux qui s‘imaginent et espèrent pour l’Eglise un état exempt de toute perturbation…» (S. Pie X, Encyclique Communium Rerum, 21 avril 1909, cf. Actes de S.S. Pie X, t. V, Éditions de la Documentation Catholique, n.d., pp. 41-42).
« La Passion du Christ se renouvelle,
et d’une certaine manière elle se poursuit et s’achève,
dans son corps mystique qui est l’Église (…)
souffrant toujours en son corps mystique, le Christ
veut nous avoir pour compagnons de son expiation.. »
(Pie XI, Miserentissimus Redempto, 28 mai 1928)
Pie XI déclarait également en 1928, dans son encyclique Miserentissimus Redemptorconsacrée à la réparation due par tous au Sacré-Cœur de Jésus qui est « la synthèse de la religion » – rappelant que la dévotion au Sacré-Cœur, qui a pour origine l’encyclique Annum Sacrum de Léon XIII en 1899, avait perdu de son intensité alors que « l’esprit d’expiation ou de réparation a toujours tenu le premier et principal rôle dans le culte rendu au Sacré-Cœur de Jésus » – que la « Passion se poursuit dans l’Eglise » :« La Passion du Christ se renouvelle, et d’une certaine manière elle se poursuit et s’achève, dans son corps mystique qui est l’Église. Car, pour nous servir encore des paroles de saint Augustin : « Le Christ a souffert tout ce qu’il devait souffrir ; la mesure de ses souffrances est désormais à son comble. La dette de souffrances était donc payée dans la Tête, mais elle demeurait entière dans son corps ». Le Seigneur Jésus lui-même a bien voulu nous l’apprendre, quand il disait à Saul, respirant encore la menace et la mort contre les disciples : Je suis Jésus que tu persécutes. Il laissait ainsi nettement entendre que les persécutions déchaînées contre l’Église visaient et atteignaient le divin Chef de l’Église lui-même. C’est donc à bon droit que, souffrant toujours en son corps mystique, le Christ veut nous avoir pour compagnons de son expiation. Notre situation envers lui l’exige également, car, puisque nous sommes le corps du Christ et ses membres chacun pour notre part, tout ce que souffre la tête, les membres le doivent souffrir aussi. » (Pie XI, Miserentissimus Redempto, 28 mai 1928).
« JÉSUS-CHRIST et l’Église forment un tout indivisible ;
le sort de l’un, c’est le sort de l’autre; et de même que là où est la tête,
là également doit se trouver le corps,
de même les mystères qui se sont accomplis en JÉSUS-CHRIST
durant sa vie terrestre et mortelle doivent
se parachever en son Église durant sa vie militante d’ici-bas.
JÉSUS-CHRIST a eu sa Passion et son crucifiement :
l’Église doit avoir, elle aussi, et sa Passion, et son crucifiement final. »
Mgr de Ségur,
(De la Passion, de la résurrection et du triomphe final de JÉSUS-CHRIST en son Église,1897).
Quant à Mgr. Louis Gaston de Ségur (1820-1881), Prélat dans la Maison du Pape Pie IX, Chanoine de l’Ordre des Évêques du Chapitre Impérial de Saint-Denys, il aborda également ce sujet, à bon droit fondamental pour la sauvegarde de la Foi catholique, dans lequel il démontra la permanente visibilité de l’Eglise, mais qui « apostasiera avant la fin des temps », car en effet, il doit advenir, non pas une « éclipse », mais une « apostasie générale ou quasi-générale de la foi de la sainte Église Romaine ».
« Quoique toujours visible
et composée de ses éléments essentiels,
l’Église sera pendant tout ce temps-là comme crucifiée,
comme morte et ensevelie. »
Mgr de Ségur,
(De la Passion, de la résurrection et du triomphe final de JÉSUS-CHRIST en son Église,1897)
« De la Passion, de la résurrection
et du triomphe final de JÉSUS-CHRIST en son Église »
« JÉSUS-CHRIST et l’Église forment un tout indivisible; le sort de l’un, c’est le sort de l’autre; et de même que là où est la tête, là également doit se trouver le corps, de même les mystères qui se sont accomplis en JÉSUS-CHRIST durant sa vie terrestre et mortelle doivent se parachever en son Église durant sa vie militante d’ici-bas. JÉSUS-CHRIST a eu sa Passion et son crucifiement : l’Église doit avoir, elle aussi, et sa Passion, et son crucifiement final. JÉSUS-CHRIST est ressuscité et a triomphé miraculeusement de la mort : l’Église ressuscitera, elle aussi, et triomphera de Satan et du monde, par le plus grand et le plus prodigieux de tous les miracles : celui de la résurrection instantanée de tous les élus, au moment même où Notre-Seigneur JÉSUS-CHRIST, entr’ouvrant les cieux, en redescendra plein de gloire avec sa sainte Mère et tous ses Anges. Enfin, JÉSUS-CHRIST, Chef de l’Église, est monté corporellement au ciel le jour de l’Ascension : à son tour, l’Église ressuscitée et triomphante montera au ciel avec Jésus, pour jouir avec lui, dans le sein de DIEU, de la béatitude éternelle. Nous ne connaissons d’une manière certaine « ni le jour ni l’heure (Ev. Matth., XXV, 13.) » où se passeront ces grandes choses. Ce que nous savons, d’une manière générale mais infaillible, parce que cela est révélé de DIEU, c’est que « la consommation viendra lorsque l’Évangile aura été prêché dans le monde entier, à la face de tous les peuples (Ibid., XXIV. 14.) » Ce que nous savons, c’est qu’avant ces suprêmes et épouvantables secousses qui constitueront la Passion de l’Église et le règne de l’Antéchrist (II adThess., II, 3.), l’apostasie générale ou quasi-générale de la foi de la sainte Église Romaine (Corn. a Lap., in loc.cit.). Enfin, ce que nous savons, c’est qu’à cette redoutable époque le caractère général de la maladie des âmes sera « l’affaiblissement universel de la foi et le refroidissement de l’amour divin, par suite de la surabondance des iniquités (Ev.Matth., XXIV, 12). » Les Apôtres ayant demandé un jour à Notre-Seigneur à quels signes les fidèles pourraient reconnaître l’approche des derniers temps, il leur répondit : d’abord qu’il y aurait de grandes séductions, et que beaucoup de faux docteurs, beaucoup de semeurs de fausses doctrines rempliraient le monde d’erreurs et en séduiraient un grand nombre (Ibid., 10, 11.); – puis, qu’il y aurait de grandes guerres et qu’on n’entendrait parler que de combats; que les peuples se jetteraient les uns sur les autres, et que les royaumes s’élèveraient contre les royaumes (Ibid., 6, 7.); – qu’il y aurait de tous côtés des fléaux extraordinaires, des maladies contagieuses, des pestes, des famines, et de grandes tremblements de terre (Ibid., 7.). « Et tout cela, ajouta le Sauveur, ce ne sera encore que le commencement des douleurs (Ibid., 8.) » Satan et tous les démons en seront la cause. Sachant qu’il ne leur reste plus que peu de temps, ils redoubleront de fureur contre la sainte Église; ils feront un dernier effort pour l’anéantir, pour détruire la foi et toute l’œuvre de DIEU. La rage de leur chute ébranlera la nature (Apoc., XII, 9, 12.), dont les éléments, comme nous l’avons dit, resteront jusqu’ à la fin sous les influences malfaisantes des mauvaises esprits. Alors commencera la plus terrible persécution que l’Église ait jamais connue; digne pendant des atroces souffrances que son divin Chef eut à souffrir en son corps très-sacré, à partir de la trahison de Judas. Il se fera passer pour le Christ, pour le Fils de DIEU; il se fera adorer comme DIEU, et sa religion, qui ne sera autre chose que le culte de Satan et des sens, s’élèvera sur les ruines de l’Église et sur les débris de toutes les fausses religions qui couvriront alors la terre (II ad Thess. II, 4.). […] L’abomination de la désolation régnera dans le lieu saint (Ibid., 15.) », pendant « trois ans et demi, pendant quarante-deux mois (Apoc., XIII, 5.) », correspondant aux quarante-deux heures qui se sont écoulées, comme nous l’avons dit déjà, depuis le commencement des ténèbres du crucifiement de JÉSUS, le Vendredi-Saint, jusqu’à l’heure de la résurrection, le dimanche de Pâques, au lever du soleil. Quoique toujours visible et composée de ses éléments essentiels, l’Église sera pendant tout ce temps-là comme crucifiée, comme morte et ensevelie. Il sera donné à l’Antéchrist de vaincre les serviteurs de Dieu, et de faire plier sous son joug tous les peuples, et toutes les nations de la terre; et, sauf un petit nombre d’élus, tous les habitants de la terre l’adoreront, en même temps qu’ils adoreront Satan, auteur de sa puissance (Ibid., 7, 8, 4.). Si jadis le féroce Dioclétien a pu croire un instant qu’il avait définitivement détruit le nom chrétien, que sera-ce en ces temps-là, dont ceux de Dioclétien de Néron n’ont été qu’un pâle symbole. L’Antéchrist proclamera orgueilleusement la déchéance du christianisme, et Satan, maître du monde, se croira un instant vainqueur.Mais en ces temps-là, comme nous l’apprennent et l’Écriture et la Tradition, s’élèveront contre l’Antéchrist « les deux grands témoins (Ibid., XI, 3.) » de JÉSUS-CHRIST, réservés pour ces derniers jours, à savoir le Patriarche Hénoch et le Prophète Élie, qui ne sont pas morts, comme l’enseigne expressément l’Écriture. Ils viendront prêcher les voies du Seigneur. Ils prêcheront JÉSUS-CHRIST et le règne de DIEU pendant douze cent soixante jours, c’est-à-dire pendant la durée presque entière du règne de l’Antéchrist. […] Pour relever sa puissance, l’Antéchrist, singeant la triomphale ascension du Fils de DIEU et des deux grands Prophètes, tentera, lui aussi, de monter au ciel, en présence de l’élite de ses adeptes. Et c’est alors que Notre-Seigneur JÉSUS-CHRIST, « semblable à la foudre qui de l’Orient à l’Occident déchire le ciel, apparaîtra tout à coup sur les nuées, dans toute la majesté de sa puissance (Ev. Matth., XXIV, 27, 30.) », frappant de son souffle et l’Antéchrist (II ad Thess., II, 8.) et Satan et les pécheurs. Tout ceci est prédit en termes formels (I ad Thess., IV, 15.). Comme nous l’avons dit, l’Archange Michel, le Prince de la milice céleste, fera retentir toute la terre du cri de triomphe qui ressuscitera tous les élus (Ev. Matth., XXIV. 31.). Ce sera le Consummatum est de l’Église militante, entrant pour toujours dans la joie du Seigneur. Cette « voix de l’Archange » sera accompagnée d’une combustion universelle, qui purifiera et renouvellera toutes les créatures profanées par Satan, par le monde et par les pécheurs. La foi nous apprend, en effet, qu’au dernier jour, JÉSUS-CHRIST doit venir juger le monde par le feu (Rit.Rom.). Ce feu vengeur et sanctificateur renouvellera la face de la terre et fera « une nouvelle terre et des nouveaux cieux (Psal., CIII, 30.), (Apoc. XXI, 1.) ». Comme au Sinaï, comme au Cénacle, l’Esprit-Saint se manifestera ainsi par le feu, en ce jour redoutable entre tous. Telle sera la fin terrible et glorieuse de l’Église militante; telle sera, autant du moins que la lumière toujours un peu voilée des prophéties nous permet de l’entrevoir, . Corps mystique du Fils de DIEU, elle aura suivi son divin Chef jusqu’au Calvaire, jusqu’au sépulcre, et par cette fidélité elle aura mérité de partager sa gloire à tout jamais. » (Mgr de Ségur, De la Passion, de la résurrection et du triomphe final de JÉSUS-CHRIST en son Église, Œuvres, t. Xe, 1897,pp. 168-176).
VIII. L’Église devient obscure « dans l’engouement pour la nouveauté »
Nous le voyons, les événements auxquels nous assistons depuis plusieurs décennies, relèvent de la vie intime de l’Eglise, ils participent de l’eschatologie par laquelle nous savons que « l’Église, à la fin des temps, comme son Divin Chef sur la croix, paraîtra vaincue », une Eglise au sein de laquelle il doit advenir une, « apostasie générale ou quasi-générale de la foi de la sainte Église Romaine », une Eglise qui « doit avoir, elle aussi, et sa Passion, et son crucifiement final ».
A ce titre, le texte révélé de l’Apocalypse, rédigé par saint Jean, distingue les âges du christianisme selon le nom de sept églises d’Asie mineure (Éphèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie, Laodicée), ces âges allant des premiers siècles de l’Eglise jusqu’au moment où s’éteindra le dernier pape avant le retour du Fils de Dieu. Les exégètes ne sont pas tous du même avis concernant l’église d’Asie, et donc l’âge, qui correspondrait à notre période actuelle. Mais la plupart s’accordent pour considérer que nous sommes dans le temps de l’église de Sardes. Ce temps est caractérisé par une désorientation et une perte de la Foi, faisant que les œuvres qui paraissent vivantes, sont en réalité « mortes » : « Voici ce que dit celui qui a les sept esprits de Dieu et les sept étoiles : Je connais tes œuvres. Je sais que tu passes pour être vivant, mais tu es mort. » (Ap. III, 1). [6]
« … l’Eglise est « faite péché pour notre salut » (II Corinthiens V, 21)… »
(Saint Thomas d’Aquin, Commentaire sur II Cor. V, 20-21,).
C’est exactement la formulation de saint Thomas d’Aquin ( + 1274), qui ne parle pas d’une « éclipse de l’Eglise », mais bien d’une Eglise visible, « paraissant vivante » mais devenue sombre, « obscure », « noire » à cause de l’hérésie de la nouveauté, ce qui correspond très exactement à ce que nous vivons : « L’Église devient obscure dans l’engouement pour la nouveauté, lorsque les prédicateurs et les docteurs ne sont pas en elle ; elle devient […] noire à cause des nuages, c’est-à-dire à cause de la séduction des hérétiques » (S. Thomas d’Aquin, Commentaire sur les Psaumes X, 3).
Il s’agit bien de l’Eglise, pas d’une contrefaçon usurpatrice ni d’un « corps étranger » désigné sous le nom de « secte conciliaire« , il s’agit de l’épouse du Christ « devenue obscure dans l’engouement pour la nouveauté », les nuages représentant le séductions des hérétiques pour les doctrines erronées.
Le docteur commun écrit d’ailleurs : « En ce sens, l’Eglise est « faite péché pour notre salut » (II Corinthiens V, 21), « Car Celui qui ne connaissait point le péché, il L’a rendu péché pour l’amour de nous, afin qu’en Lui nous devinssions justice de Dieu ». « Celui, commente saint Thomas d’Aquin, qui ne connaissait pas le péché, c’est-à-dire le Christ (1 Pierre II, 22 – Lui qui n’a pas commis de péché… Jean. VIII, 46 – Qui de vous me convaincra de péché ?), Dieu le Père L’a fait péché pour nous. Ceci s’explique de trois façons. D’abord la coutume de l’ancienne loi est que le sacrifice pour le péché soit nommé « péché » (Osée IV, 8 – Ils mangeront les péchés de mon peuple, c’est-à-dire les offrandes pour le péché). Dans ce sens, « il L’a fait péché pour nous » veut dire qu’Il L’a fait victime ou sacrifice pour le péché. Dans un second sens, « péché » est quelquefois mis pour « la ressemblance du péché » ou « le châtiment du péché » (Rom. VIII, 3). Dieu envoya son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché… c’est-à-dire que dans la ressemblance du péché c’est le péché qu’il a condamné. Et ici le sens est qu’il Lui a fait prendre une chair mortelle et capable de souffrir. Enfin il arrive parfois qu’on dise que ceci ou cela est, non qu’il en soit vraiment ainsi, mais parce que les hommes en jugent de la sorte. Dans ce sens « Il L’a fait péché pour nous » signifie qu’Il a permis qu’Il fût considéré comme pécheur (Is. LIII, 12). Il a été mis au nombre des pécheurs » (Saint Thomas d’Aquin, Commentaire sur II Cor. V, 20-21, édition Louis Vivès, 1870).
Si le Christ a été fait péché pour nous libérer de l’emprise de la mort, de même, « En ce sens, l’Eglise est « faite péché pour notre salut » (II Corinthiens V, 21), ce qui signifie qu’elle est conduite, à la suite de Jésus, au Calvaire, pour y être configurée à son Divin époux. Ainsi retenons, selon ce que nous l’enseigne les docteurs, que « JÉSUS-CHRIST et l’Église forment un tout indivisible; le sort de l’un, c’est le sort de l’autre; et de même que là où est la tête, là également doit se trouver le corps, de même les mystères qui se sont accomplis en JÉSUS-CHRIST durant sa vie terrestre et mortelle doivent se parachever en son Église durant sa vie militante d’ici-bas. JÉSUS-CHRIST a eu sa Passion et son crucifiement : l’Église doit avoir, elle aussi, et sa Passion, et son crucifiement final», et ceci se produira DANS l’Eglise, « toujours visible et composée de ses éléments essentiels », une l’Église qui sera pendant toute cette période, « comme crucifiée, comme morte et ensevelie ».
IX. Le pharisaïsme ésotérique cosmo-théologique du sédévacantisme
Comme nous le voyons, le problème, sérieux s’il en est, de la présupposition pseudo-théologique, sur laquelle s’appuie le sédévacantisme pour justifier sa non reconnaissance du pape et de Rome, qui participent l’un et l’autre, selon eux, d’une « secte », d’un « corps étranger », un « astre autre » (sic) éclipsant la véritable Eglise, c’est qu’elle est en totale contradiction d’avec les enseignements formels des docteurs de l’Eglise, qui évoquent une « Passion » de l’Eglise dans la période précédent la fin des temps, un moment où « l’apostasie » triomphera « dans » l’Eglise, mais en aucun cas le remplacement de l’épouse du Christ par un « corps étranger » ; saint Thomas d’Aquin parle bien d’une « Eglise visible », mais devenue pécheresse, « obscure » et « noire » à cause « de l’hérésie de la nouveauté » (Commentaire sur les Psaumes X, 3). Et il s’agit bien de toute l’Eglise, incluant sa hiérarchie, entièrement, jusqu’à son sommet, car l’Eglise est indéfectiblement unie au pontife romain depuis saint Pierre, et ne peut s’entendre, ni s’imaginer sans pape ; l’épreuve, c’est-à-dire « l’apostasie » que doit vivre et connaître l’Eglise dans les derniers temps de son histoire, consiste donc bien en un événement qui doit intervenir non seulement au sein même de l’institution fondée par Jésus-Christ, mais de plus s’étendre, absolument, à l’ensemble de toutes ses parties « visibles », car il est question, non pas d’une « défection partielle », mais bien d’une apostasie entendue au sens plénier du terme .
Saint Thomas d’Aquin parle bien d’une « Eglise visible »,
mais devenue pécheresse, « obscure » et « noire »
à cause « de l’hérésie de la nouveauté » (Commentaire sur les Psaumes X, 3).
Ainsi, c’est bien « dans l’Eglise »,
et non pas dans un quelconque « astre autre » (sic),
selon des spéculations hasardeuses et des rêveries absurdes
qui relèvent de l’ésotérisme cosmologique,
que doit advenir « l’apostasie ».
Il y a donc, chez les schismatiques, un refus très coupable de la « Passion », une « Passion » refusée à l’Eglise au prétexte de comparaisons fantaisistes hautement aventureuses théologiquement, qui conduisent, au fond, à ne pas accepter par l’effet d’une lâcheté pharisaïque, l’épreuve de la Croix que subit l’épouse de Jésus-Christ, et à fuir cette sainte et pieuse évidence, à savoir que « l’Église, à la fin des temps, comme son Divin Chef sur la croix, paraisse vaincue ». Et elle doit être, cette Eglise, configurée au Christ dans sa Passion à la fin des temps, car c’est bien dans l’Eglise, et non pas dans un quelconque « astre autre » (sic), selon des rêveries absurdes qui relèvent de l’ésotérisme cosmologique, que doit advenir « l’apostasie » [7], une apostasie que Mgr de Ségur désigne positivement comme étant celle de l’Eglise catholique, pas d’un « corps étranger », d’un « autre corps céleste venu d’ailleurs ».
Il s’agit donc, objectivement et fort concrètement, dans les événements que nous traversons, d’une : « apostasie générale ou quasi-générale de la foi de la sainte Église Romaine », et ceci en conséquence d’une vérité évangélique révélée incontestable : « L’Eglise doit avoir, elle aussi, et sa Passion, et son crucifiement final » : « Corps mystique du Fils de DIEU, elle aura suivi son divin Chef jusqu’au Calvaire, jusqu’au sépulcre, et par cette fidélité elle aura mérité de partager sa gloire à tout jamais. » [8]
Qu’adviendra-t-il en cette terrible période de l’Histoire de l’Eglise ?
Voici la réponse que nous connaissons à présent, très éloignée de l’inacceptable et surtout très hérétique théorie de « l’occultation » produite par les fumeuses spéculations et interprétations cosmico-occultistes sédévacantistes : «Quoique toujours visible et composée de ses éléments essentiels, l’Église sera pendant tout ce temps-là comme crucifiée, comme morte et ensevelie.» (Mgr de Ségur, De la Passion, de la résurrection et du triomphe final de JÉSUS-CHRIST en son Église, 1897).
« Quoique toujours visible et composée de ses éléments essentiels,
l’Église sera pendant tout ce temps-là
comme crucifiée, comme morte et ensevelie.»
(Mgr de Ségur)
Conclusion
Au moment de ce crucifiement final, lorsque l’épouse du Christ sera morte et ensevelie, il ne s’agit surtout pas de fuir et de l’abandonner, en ces instants où l’Eglise – « toujours visible » – est au Calvaire, en ces heures où l’Eglise vit son agonie, bien au contraire, « il ne faut pas dormir », ou pire, de façon abominablement pharisaïque, s’en détourner et la fuir !
L’Eglise a besoin que nous conservions la Foi, que nous résistions à l’apostasie, et que nous restions convaincus que la souffrance consentie « mystiquement » par l’Eglise, à l’imitation de Jésus son époux, qui se fit péché pour le salut des hommes, est une épreuve d’expiation en conformité de son Divin Fondateur. Et pendant cette période, où l’apostasie générale est répandue sur la terre, où les forces de corruptions sont déchaînées horriblement, n’oublions pas et soyons certains, que « La révélation de la Trinité, notamment, est toujours pure à l’intérieur de l’Église…». [9]
« Se séparer du Pape, c’est se séparer de JÉSUS-CHRIST,
c’est désobéir à JÉSUS-CHRIST.
La puissance du Vicaire de JÉSUS-CHRIST
n’est limitée ici-bas par aucune puissance;
elle ne dépend que de JÉSUS-CHRIST seul…»
Mgr de Ségur,
«Que JÉSUS-CHRIST est, dans la personne du Pape,
le Chef, le Pasteur et l e Docteur de l’Église Catholique-Romaine, 1897).
Mgr de Ségur sur ce point est catégorique : « Se séparer du Pape, c’est se séparer de JÉSUS-CHRIST, c’est désobéir à JÉSUS-CHRIST. La puissance du Vicaire de JÉSUS-CHRIST n’est limitée ici-bas par aucune puissance; elle ne dépend que de JÉSUS-CHRIST seul, qui, du haut de sa gloire, la retient immuable dans la vérité, et domine, par l’assistance de son Esprit, les défaillances de l’infirmité humaine. Et il en sera ainsi jusqu’au second avènement du Fils de DIEU. Alors la gloire du serviteur disparaîtra devant la gloire du Maître; alors le Souverain-Pontife du ciel sera pour toute l’éternité le seul Chef do son Église res-suscitée et triomphante, et introduira dans les divins pâturages du Paradis l’immense troupeau de ses élus, depuis Adam et Eve pénitents et pardonnes jusqu’au dernier Pape, jusqu’au dernier Évoque catholique, jusqu’au dernier prêtre et au dernier chrétien demeurés fidèles au milieu des dernières épreuves. » (Mgr de Ségur, Que JÉSUS-CHRIST est, dans la personne du Pape, le Chef, le Pasteur et l e Docteur de l’Église Catholique-Romaine, Œuvres, t. Xe, 1897,p. 154).
Enfin, comme l’annonçait Joseph de Maistre (1753-1821), l’auteur « Du Pape » (1819), sachons nous ternir prêts spirituellement, car les « temps sont arrivés » : « Il faut nous tenir prêts pour un événement immense dans l’ordre divin, vers lequel nous marchons avec une vitesse accélérée qui doit frapper tous les observateurs. Des oracles redoutables annoncent déjà que les temps sont arrivés. » [10] Mgr Jean-Joseph Gaume (1802-1879), résumant parfaitement la pensée du comte de Maistre dans l’un de ses écrits ayant valeur prophétique, écrivait : « C’est pourquoi l’Eglise se console, se fortifie, se dégage de la terre et attend. Semblable à l’arche qui fut son antique figure, la barque de Pierre, retenue sur son ancre immobile aux terrestres rivages, brave les flots et les tempêtes; nuit et jour elle demeure ouverte à tous les passagers, que les anges de Dieu se hâtent de marquer au front et de pousser vers l’arche salutaire ; quand le nombre sera complet, le divin pilote lèvera l’ancre, et la glorieuse nacelle montera vers le ciel, rapide comme l’éclair, portant au port de l’éternité l’équipage composé de tous les élus réunis des quatre vents : au-dessous d’elle il n’y aura plus qu’un déluge, un déluge de feu, vaste tombeau des générations éternellement condamnées. Cette séparation de plus en plus visible des deux sociétés du bien et du mal concilie en les vérifiant les deux prédictions de l’illustre comte de Maistre. Signalant la grande unité religieuse, le Voyant de notre époque disait avec bonheur: « La Providence ne tâtonne jamais; ce n’est pas en vain qu’elle agite le monde; tout annonce que nous marchons vers une grande unité que nous devons saluer de loin, pour me servir d’une tournure religieuse. Nous sommes douloureusement broyés ; mais si de misérables yeux tels que les miens sont dignes d’entrevoir les secrets divins, nous ne sommes broyés que pour être mêlés.» [11]
Soyons donc convaincus, que cette lutte, qui permet parfois à ce que certaines forces parviennent, pour un temps limité, à une prétendue « autorité », ne signifie pas que tout soit perdu et que la situation a définitivement penché en faveur des ténèbres. Ces « pseudos victoires » temporaires ne sont accordées qu’à titre de leçons et de pénitences humiliantes pour les disciples du Christ, elles ne veulent pas dire que l’Eglise a été conquise, sa nature transformée et modifiée, car cette nature, de « droit divin«, est immuable et éternelle, elle est et demeure indéfectiblement – malgré la Passion à l’image de son Seigneur, que vit l’Eglise : «UNIQUE», «SAINTE», «CATHOLIQUE» et «APOSTOLIQUE».
Le Christ ne peut être vaincu, il ne peut abandonner son Eglise qui n’a pas été « éclipsée » bien évidemment, mais qui, demeurant « visible », traverse une épreuve dont nous avons la certitude absolue et évangélique, qu’elle permettra à l’Eglise de se relever, lorsque le Christ en décidera, plus belle, plus lumineuse et sainte.
Il n’est de la sorte pas catholique de sombrer dans cette « gnose nihiliste, désespérante, ésotérique et millénariste», qui est devenue le nouveau Credo des schismatiques, qui ont perdu le sensus fidei et ne savent plus reconnaître l’Eglise du Christ dans les souffrances de sa Passion, au Calvaire [12], jusqu’à considérer les successeurs légitimes de Saint Pierre comme des antipapes et des usurpateurs, en n’hésitant pas à encourir l’anathème de la Constitution dogmatique « Pastor Aeternus » : « Si donc quelqu’un dit que ce n’est pas par l’institution du Christ ou de droit divin (iure divino), que le bienheureux Pierre a des successeurs perpétuels (perpetuos successores) dans sa primauté sur l’Église universelle, ou que le Pontife romain n’est pas le successeur du bienheureux Pierre en cette primauté, qu’il soit anathème. » (Constitutio dogmatica Pastor Aeternus § 2. De perpetuitate primatus beati Petri in Romanis Pontificibus, Vatican I, 1870).
Notes.
1. « En vérité, 1° la succession matérielle est nécessaire. En effet le Christ institua le ministère apostolique et voulut qu’il fût perpétuel: voici, dit-Il, je suis avec vous tous les jours, etc… Or, il ne serait pas perpétuel si les ministres de l’Eglise n’étaient pas dans une série ininterrompue successeurs des Apôtres; ergo. Et encore: l’Eglise doit être une seule et toujours égale. Le principe de l’unité de l’Eglise est le ministère institué par le Christ; donc il est nécessaire que dans l’Eglise il y ait toujours un unique ministère: il est nécessaire donc que l’Eglise soit dirigée par ce ministère que dès le commencement le Christ confia aux Apôtres. Et cela ne peut arriver si elle n’est pas toujours dirigée par ceux qui sont issus des Apôtres en une série ininterrompue; si en effet elle est dirigée par d’autres qui ne peuvent pas être mis en relation avec les Apôtres, en substance elle est dirigée par un ministère qui commence par lui-même, et non par celui qu’institua le Christ. Dans ce cas l’autorité serait multiple et l’Eglise cesserait d’être une mais deviendrait multiple, le principe de l’unité se multipliant. C’est pourquoi il est aussi manifeste, que la série des successeurs ne doit jamais être interrompue, si en effet à un certain point elle est interrompue, cesse ce ministère avec lequel l’Eglise doit être gouvernée et cesse le principe de sa vraie unité, l’Eglise elle-même cesse donc: mais si jamais un jour l’Eglise cesse, elle ne pourra plus être rétablie.» (Domenico Palmieri, s.j. Tractatus de Romano Pontifice, Prati Giachetti 1891, pp. 286-288).
2. S’agissant de la permanence de la charge pontificale malgré les vicissitudes de la période et les grandes erreurs théoriques de Vatican II, la position théologique du R. P. Guérard des Lauriers, o.p. (1898-1988), membre de l’Académie Pontificale de Saint Thomas, ancien enseignant à l’Université Pontificale du Latran et à l’université dominicaine du Saulchoir en France, plus connue sous le nom de “Thèse de Cassiciacum”, expose, non sans quelque justesse et raison non dénuée de pertinence, en quoi on est autorisé par la Foi à refuser à Paul VI et à ses successeurs leur autorité en matière doctrinale, mais également contraint de reconnaître leur élection par le conclave et donc leur état de pontifes de l’Eglise romaine. Ils restent, au sens strict du terme, des « papes catholiques » bien qu’ils professent des doctrines qui ne sont pas celles de la Foi catholique, mais les deux choses ne sont pas contradictoires, puisqu’en termes scolastiques, et selon la distinction enseignée par le grand commentateur de saint Thomas aux XVIe siècle, le cardinal Cajetan, reprise par saint Robert Bellarmin, ont peut exercer un état ou une charge, et donc celle de “pape” pour ce qui concerne notre sujet, « matériellement » mais non pas « formellement». Rappelons ce que soutenait, avec grande pertinence, le Père Guérard des Lauriers : « L’Apostolicité est une note, permanente comme l’est l’Église elle-même. Il faut donc tenir absolument la norme, sans laquelle la succession apostolique se trouverait OBJECTIVEMENT interrompue. Cette règle, impérieuse et évidente, est la suivante. La personne physique ou morale qui a, dans l’Église, qualité pour déclarer la vacance TOTALE du Siège apostolique est IDENTIQUE à celle qui a, dans l’Église, qualité pour pourvoir à la provision du même Siège apostolique. Qui déclare actuellement : « [Le pontife] n’est pas pape du tout [pas même MATERIALITER] », doit : ou bien convoquer le Conclave [!] ou bien montrer les lettres de créance qui l’instituent directement et immédiatement Légat de Notre-Seigneur Jésus-Christ [!!]. Ces dernières observations montrent suffisamment que la portée objective de la question : « l’occupant du Siège apostolique est-il ou non « pape » MATERIALITER ? » est tellement hors de nos prises, que concrètement et réellement, la réponse à cette question n’a guère d’impact sur le comportement effectivement possible du fidèle attaché à la Tradition.» (Cf. Entretien, in Le problème de l’autorité et de l’épiscopat dans l’Eglise, Centro Librario Sodalitium, mai 1987).
3. Ce que ne cessent, coupablement, d’oublier et d’ignorer, dans leurs comportements, attitudes, propos et écrits les sédévacantistes, c’est que le pape possède son pontificat de «droit divin ». Et les Pontifes qui succèdent à Pierre dans l’épiscopat romain, possèdent depuis saint Pierre, de « droit divin », le suprême pouvoir dans l’Église : «Nous définissons que le Saint-Siège apostolique et le Pontife romain possèdent la primauté sur le monde entier, et que le Pontife romain est le successeur du bienheureux Pierre, prince des Apôtres, et qu’il est le véritable vicaire de Jésus-Christ, le chef de toute l’Eglise, le Père et le docteur de tous les chrétiens, et qu’à lui, dans la personne du bienheureux Pierre, a été donné par Notre-Seigneur Jésus-Christ le plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner l’Eglise universelle ; ainsi que cela est contenu aussi dans les actes des Conciles oecuméniques et dans les sacrés canons» (Concilium Florentinum). » (Léon XIII, Satis Cognitum, 1896). Redisons-le, le pape est dans les mains de Dieu, et c’est à Dieu de décider ce qu’il convient de faire, c’est à Dieu de considérer ce qu’il est juste pour l’Eglise, sachant que si enseigner l’erreur est une faute gravissime, la rupture successorale que représenterait le rejet d’un pontife romain pour ses erreurs, générant pour le futur une situation d’impuissance à élire un pape aboutissant à un chaos général assuré, serait une tragédie bien plus grave encore pour l’Eglise. Et c’est sans doute pourquoi Dieu juge préférable de conserver sur le Siège de Pierre – comme Il le fit à certaines périodes de l’Histoire pour des papes dont la conduite, les mœurs, les opinions, etc., étaient condamnables -, des pontifes conciliaires qui, sur certains points de doctrine, sont en contradiction avec l’enseignement séculaire de l’Eglise. Tous les docteurs de l’Eglise sont unanimes, et assurent qu’en cas d’éventuelle défaillance du pontife, c’est Dieu Lui-même qui a autorité pour intervenir et personne d’autre : « En aucun cas, même d’hérésie, le pape n’est privé de sa dignité et de son pouvoir, immédiatement, par Dieu lui-même, avant le jugement et la sentence des hommes.» (Suarez, De fide, dis.X, sect VI, no3-10, p.316-318.) Billuart est exactement sur la même ligne : « Selon l’opinion commune, le Christ, par une providence particulière, pour le bien commun et la tranquillité de l’Eglise, continue de donner juridiction à un pontife même manifestement hérétique, jusqu’à ce qu’il soit déclaré manifeste par l’Eglise. » (Cf. De Fide dis.V, a.3, et 3, obj.2.) Suarez considère utile d’ajouter que c’était également la conviction commune de tous les théologiens, en particulier celle de Cajetan (cf. De Auctoritate pape, cap.18 et 19), Soto (4, d.22,q,a.2), Cano (4 De locis, c.ult.ad 2) Corduba (livre IV, q.11).
4. Reconnaissons ce mérite à M. Vincent Morlier – par-delà des positions plus que discutables (fin de l’Histoire de l’Eglise, survivantisme, etc.), dont certaines que nous lui avons d’ailleurs fermement contestées lorsqu’il le fut nécessaire (notamment son « philo-sionisme» qui nous apparaît absolument non-conforme à la doctrine traditionnelle de l’Eglise, en particulier au sujet du judaïsmeet de ce que signifie « spirituellement » et non « matériellement », selon une vision charnelle qui n’est plus en rapport avec la Nouvelle Loi de l’Evangile, le « retour en Israël du peuple Juif » annoncé pour la « fin des temps », consistant à son entrée dans l’Eglise qui elle seule est le « nouvel Israël« , et non en une quelconque réappropriation de la Palestine par de grossiers, et très criminels, moyens militaires dont se rend coupable le sionisme engendré par l’Antéchrist), ce à quoi se rajoute un langage parfois déplacé et des attitudes outrées -, d’avoir rappelé, dès 1998, dans un essai de résolution de la crise que traverse l’Eglise, essai édité sous le nom de : «L’Impubliable — solution théologique à la crise de l’Église», que nous nous trouvions, sans doute, dans une période dans laquelle les arguments devaient prendre en compte plusieurs points inséparables : 1°) c’est le magistère authentique de l’Eglise qui a erré dans la Foi à Vatican II ; 2°) les papes conciliaires élus par des Conclaves légitimes et ayant bénéficié de l’acte de reconnaissance universelle, en vertu du « droit divin », sont de vrais papes de l’Eglise ; 3°) la résolution de cette situation intenable en logique ne peut donc passer que par la compréhension qu’il s’agit « de la grande Crise de la Fin des Temps, celle d’ordre eschatologique qui ne peut plus se terminer que par la Parousie, en passant, hélas, par le règne de l’Antéchrist (…) Théologiquement, la solution du problème est extrêmement simple et se récapitule absolument par le syllogisme suivant. Majeure : l’Église est SAINTE, pure de tout péché (c’est d’ailleurs la deuxième note qui la caractérise formellement et qui permet à tout homme venant en ce monde de la reconnaître comme l’Épouse du Christ, parmi toutes les fausses églises) ; mineure : [Vatican II] me montre vraiment un péché commis par l’Église ; conclusion : le péché commis par l’Église ne peut être que et est donc seulement matériel, c’est-à-dire excluant formellement toute coulpe, toute faute réelle contre Dieu. Il n’y a pas d’autre solution syllogistique possible. LA SOLUTION THÉOLOGIQUE DE LA CRISE DE L’ÉGLISE, C’EST QUE L’ÉGLISE EST EN ÉTAT DE PÉCHÉ MATÉRIEL DEPUIS VATICAN II. Mais l’Église ne peut être recouverte d’un manteau de péché ou péché simplement matériel que lorsqu’elle vit la Passion de son Époux, le Christ, ce qui, prophétiquement, est annoncé pour la grande et dernière Crise eschatologique de la Fin des Temps : cette Crise « vaticandeuse » de l’Église est donc la Crise dernière avant la Parousie. » (V. Morlier, op.cit., 4ème édition, 2006, pp. 173-177). On rajoutera simplement, ce que ne semble pas voir Vincent Morlier pour qui l’avènement du Fils de Dieu et son Règne millénaire est imminent, ce qui l’amène d’ailleurs a interpréter faussement, selon un sens charnel et matériel l’Ecriture Sainte à propos du « retour des Juifs en Israël« , qu’un temps de « parousie », ne signifie pas pour autant la fin immédiate de l’Histoire, il peut s’écouler de très longs siècles avant que la dernière heure n’advienne, et il n’est pas impossible que l’on puisse assister à des temps d’authentiques « redressements », pendant lesquels l’Eglise retrouve sa tradition et revienne à la Foi de toujours, puis de nouveau retombe dans l’erreur. Le propre de cette période « d’attente », étant précisément que les contradictions y abondent, et même surabondent, et que bien des surprises ne sont pas à écarter ; il convient donc de ne point aller trop rapidement, contrairement à ce que proclame, de façon intempestive et catégorique en évoquant un « signe formel« , Vincent Morlier, dans ses annonces et jugements définitifs touchant à la « fin des temps« , faisant que sur ce point on aura, par sagesse et prudence, avantage à se souvenir que : « Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne le sait, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul. […] » (Matthieu XXIV, 36).
5. Dans la Pensée553 (édition Brunschvicg), Pascal médite sur la situation de Jésus au jardin de Gethsémani, entouré de ses disciples qui dorment. C’est l’épisode dit de «l’agonie du Christ» au Mont des Oliviers, évoqué notamment dans l’Evangile selon Matthieu (XXVI), Pascal écrit : « Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde : il ne faut pas dormir pendant ce temps-là.Je pensais à toi dans mon agonie, j’ai versé telles gouttes de sang pour toi. (…) Je tesuis plus ami que tel et tel ; car j’ai fait pour toi plus qu’eux, et ils ne souffriraientpas ce que j’ai souffert de toi et ne mourraient pas pour toi dans le tempsde tes infidélités et cruautés.» (Blaise Pascal, Pensées, BVII, 553)On retrouve cette idée de l’agonie perpétuelle dans un autre texte de Pascal, « Le mystère de Jésus », méditation destinée aux personnes de piété ou celles vivant dans les Couvents (dans l’esprit de « L’Abrégé de la vie de Jésus », reprise par Pascal d’un opuscule de Jansénius « Series vitae Jesu Christi juxta ordinem temporum ») : « Jésus souffre dans l’agonie sa Passion les tourments que lui font les hommes. Mais dans l’agonie il souffre les tourments qu’il se donne à lui‑même. Turbare semetipsum. (Jn. XI, 25). C’est un supplice d’une main non humaine, mais toute-puissante. Et il faut être tout‑puissant pour le soutenir. Jésus cherche quelque consolation au moins dans ses trois plus chers amis et ils dorment ; il les prie de soutenir un peu avec lui, et ils le laissent avec une négligence entière, ayant si peu de compassion qu’elle ne pouvait seulement les empêcher de dormir un moment. Et Jésus était délaissé seul à la colère de Dieu. Jésus est seul dans la terre non seulement qui ressente et partage sa peine, mais qui la sache. Le ciel et lui sont seuls dans cette connaissance. Jésus est dans un jardin, non de délices comme le premier Adam, où il se perdit et tout le genre humain, mais dans un de supplices, où il s’est sauvé et tout le genre humain.Il souffre cette peine et cet abandon dans l’horreur de la nuit. Je crois que Jésus ne s’est jamais plaint que cette seule fois. Mais alors il se plaint comme s’il n’eût plus pu contenir sa douleur excessive. Mon âme est triste jusqu’à la mort. Jésus cherche de la compagnie et du soulagement de la part des hommes. Cela est unique en toute sa vie, ce me semble. Mais il n’en reçoit point, car ses disciples dorment.Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde : il ne faut pas dormir pendant ce temps-là.» (Fragment hors Copies n° 6F, Le mystère de Jésus – RO 87-1Copies du XVIIIe s.
6. Dans son analyse extrêmement pertinente, Avec l’Immaculée écrit fort justement : « Dieu déclare ici très clairement que tous les papes de l’Eglise de Sardes sont en état de péché mortel bien qu’aux yeux des gens ils passent pour saints : « Je sais que tu passes pour être vivant ». On ne peut s’empêcher ici de penser aux canonisations de Jean XXIII et Jean-Paul II qui passent pour vivants (saints) et qui sont morts aux yeux de Dieu. Autrefois, les papes ont aussi parfois péché, mais ils ne passaient pas pour des saints. C’est la première fois dans l’histoire de l’Eglise, depuis Vatican II, que des papes pécheurs sont adulés. Et c’est très bien décrit à Sardes. C’est un des arguments qui nous fait penser que nous sommes dans l’Eglise de Sardes. Pour bien affirmer avec force cette sentence de condamnation, Dieu dit auparavant qu’il parle en tant que celui qui tient en sa main tous les papes de tous les temps. Et Dieu affirme qu’il détient aussi les sept esprits de Dieu, ce qui nous paraît très bien répondre aux partisans de Vatican II qui disent que depuis ce concile, le Saint-Esprit souffle sur l’Eglise. Dieu, par ce titre, signifie qu’il sait mieux que Sardes en quoi consistent les dons du Saint-Esprit. (Ap. III, 2). « Sois vigilant et affermis le reste, qui est sur le point de mourir, car je n’ai pas trouvé tes œuvres parfaites devant mon Dieu. » Dieu dit aux papes de Sardes qu’il n’a pas trouvé leurs œuvres parfaites. Il critique donc leurs actions. Il annonce que les bons chrétiens ne seront plus qu’un reste sur le point de mourir, c’est à dire sur le point de disparaître : la situation est donc dramatique dans l’Eglise de Sardes et l’on comprend la sévérité de Dieu vis-à-vis de ces papes. On remarque ici que bien que les papes de Sardes soient en état de péché mortel, selon la sentence de Dieu, ils sont malgré tout encore papes, puisque Dieu considère qu’ils ont le pouvoir de confirmer le reste sur le point de mourir et qu’Il leur demande de le faire. Si ces mauvais papes n’étaient pas réellement papes, ils n’auraient pas le pouvoir ni le droit de confirmer ce reste et donc Dieu ne leur demanderait pas de faire une action pour laquelle ils n’auraient pas d’autorité. Si donc nous sommes dans l’Eglise de Sardes, les papes sont de mauvais papes mais restent des papes quand même et donc les sédévacantistes se trompent. C’est une des raisons pour lesquelles il faut étudier ce chapitre de l’Apocalypse maintenant. Cela peut aider à voir plus clair sur la théorie du sédévacantisme. (…) (Ap. III, 3) « Souviens-toi donc de ce que tu as reçu et entendu, garde-le et repens-toi. Car si tu ne veilles, je viendrai comme un voleur, sans que tu saches à quelle heure je viendrai te surprendre. »Dieu reproche aux papes de l’Eglise de Sardes de ne pas se souvenir de l’enseignement qu’ils ont entendu et reçu. Cette phrase nous semble un écho à la devise de Mgr Lefebvre : tradidi quod et accepi. Mgr Lefebvre, lui, a transmis ce qu’il a reçu. Les papes de Sardes, eux, ont tous reçu un bon enseignement, mais ils ne l’ont pas gardé. Or c’est le cas de tous les papes conciliaires depuis Jean XXIII. François à plusieurs reprises s’est plaint de l’enseignement trop strict de sa jeunesse et des conceptions étriquées c’est donc qu’ils ont dévié de la bonne doctrine mais qu’ils la connaissent et qu’ils l’ont reçue. Les papes de Sardes ont donc un problème doctrinal et un problème d’infidélité à l’enseignement entendu. Or, ces caractéristiques ne correspondent pas aux papes d’avant Vatican II qui ont tous gardé l’enseignement reçu. Par contre, elles correspondent à nos papes actuels. Dieu leur parle de l’enseignement qu’ils ont entendu : il fait donc allusion à la Tradition. Il ne leur reproche pas de n’avoir pas gardé l’enseignement qu’ils ont lu. Donc l’attachement à l’Ecriture sainte ne semble pas en cause, mais bien plutôt l’attachement à la Tradition. » (Cf. Avec l’Immaculée, « Apocalypse : sommes-nous dans l’Eglise de Sardes ou de Laodicée ? Etude des églises de Sardes, Philadelphie et Laodicée », août 2013).
7. Partant de la définition du dictionnaire, qui explique qu’une « éclipse » consiste en « la disparitionpartielle ou totale d’un astre, par l’interposition ‘‘d’un autre’’ », ou « l’occultation momentanée d’un astre dont la lumière est interceptée par l’interposition d’un ‘‘autre astre’’ », M. Louis-Hubert Rémy en déduit, assez librement, en réalisant une hasardeuse équivalence théologique selon le raisonnement suivant : « Ces deux définitions nous parlent de DEUX ASTRES, de lumière, d’interposition, de disparition, d’occultation momentanée, partielle ou totale. L’exemple le plus connu est celui du soleil par la lune ; Le soleil est occulté et la lumière du soleil disparaît momentanément, partiellement ou totalement par l’interposition de la lune. On ne voit que la lune, astre mort. (…) Il y a deux astres (astre : corps céleste). L’un est éclipsé. L’autre l’éclipse ; Ce sont deux astres, deux corps célestes différents. (…) DONC L’ASTRE QUI ECLIPSE N’EST PAS LA SAINTE EGLISE. C’est autre chose, c’est un autre corps céleste. Comme il est un autre astre, il ne peut émaner de la Sainte Eglise qui est UNE. La secte conciliaire n’est pas une, n’est pas sainte, n’est plus apostolique, n’est pas catholique. En plus cet astre vient d’ailleurs. » (L.-H. Rémy, L’Église est éclipsée, ESR, n.d., pp. 3-4). C’est le type même de la spéculation théologique hautement subjective, ne reposant sur aucun élément révélé ni patristique – en utilisant comme seul critère la partie contestée du « secret » de Mélanie Calvat publié en 1879 en Italie plus de 33 ans après l’Apparition survenue le 19 septembre 1846, texte mis à l’index par le Saint-Office -, postulant, contre la position des docteurs de l’Eglise, l’occultation par un « astre autre », de la véritable Eglise, alors que ce à quoi nous assistons, relève de la « Passion mystique » de l’Eglise, celle-ci en revanche, prédite, définie et annoncée par les plus grands théologiens catholiques.
8. Mgr de Ségur, De la Passion, de la résurrection et du triomphe final de JÉSUS-CHRIST en son Église, Œuvres, t. Xe, 1897, p. 176.
9. Charles Journet, Le Traité de l’Eglise, op.cit.
10. J. de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg, XIe Entretien, 1821.
11. Mgr Gaume, Où allons-nous ?, coup d’œil sur les tendances de l’époque actuelle, Gaume Frère, 1844, pp. 190-192 ; 263. Mgr Gaume, poursuivant sa méditation sur la vision de Joseph de Maistre, nous dit : « Puis, voyant avec effroi l’unité du mal se former, il s’écriait : « On entend dire assez communément que tous les siècles se ressemblent, et que tous les hommes ont toujours été les mêmes; mais il faut bien se garder de ces maximes générales que la paresse ou la légèreté invente pour se dispenser de réfléchir. Tous les siècles, au contraire, et toutes les nations manifestent un caractère particulier et distinctif qu’il faut considérer soigneusement. Sans doute, il y a toujours eu des vices dans le monde, mais ces vices peuvent différer en quantité, en nature, en qualité dominante et en intensité : or, quoiqu’il y ait toujours eu des impies, jamais il n’y avait eu, avant le dix-huitième siècle et au sein du christianisme, une insurrection contre Dieu! Jamais surtout on n’avait vu une conspiration sacrilège de tous les talents contre leur auteur : or c’est ce que nous avons vu de nos jours— » On voit l’impiété s’étendre de toutes parts avec une rapidité inconcevable; du palais à la cabane, elle se glisse partout, elle infeste tout, elle a des chemins invisibles, une action cachée, mais infaillible… Par un prestige inconcevable, elle se fait aimer de ceux mêmes dont elle est la plus mortelle ennemie. Enfin, entrevoyant la dissolution prochaine de la société actuelle, il écrivait, peu de temps avant sa mort, au comte de Marcellus ces paroles remarquables : « Je sais que ma santé et mon esprit s’affaiblissent tous les jours. Hic jacet ! voilà ce qui va bientôt me rester de tous les biens de ce monde. Je finis avec l’Europe ; c’est s’en aller en bonne compagnie. » (Op.cit. pp. 257-261).
12. Il est assez frappant de constater, quoi que l’on puisse penser de ce catéchisme moderniste, que l’Eglise conciliaire, pour la première fois dans l’histoire des documents romains officiels, a évoqué « L’Épreuve ultime de l’Église» en des termes d’une rare clarté, faisant directement allusion au « mystère d’iniquité», ce qui semble tout de même dénoter une certaine capacité à prendre conscience, chez certains théologiens, de la « signification eschatologique » de la période ouverte à partir du dernier concile :
- 675 – Avant l’avènement du Christ, l’Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants (cf. Lc 18, 8 ; Mt 24, 12). La persécution qui accompagne son pèlerinage sur la terre (cf. Lc 21, 12 ; Jn 15, 19-20) dévoilera le » mystère d’iniquité » sous la forme d’une imposture religieuse apportant aux hommes une solution apparente à leurs problèmes au prix de l’apostasie de la vérité. L’imposture religieuse suprême est celle de l’Anti-Christ, c’est-à-dire celle d’un pseudo-messianisme où l’homme se glorifie lui-même à la place de Dieu et de son Messie venu dans la chair (cf. 2 Th 2, 4-12 ; 1 Th 5, 2-3 ; 2 Jn 7 ; 1 Jn 2, 18. 22).
- 676 – Cette imposture antichristique se dessine déjà dans le monde chaque fois que l’on prétend accomplir dans l’histoire l’espérance messianique qui ne peut s’achever qu’au-delà d’elle à travers le jugement eschatologique : même sous sa forme mitigée, l’Église a rejeté cette falsification du Royaume à venir sous le nom demillénarisme(cf. DS 3839), surtout sous la forme politique d’un messianisme sécularisé, » intrinsèquement perverse » (cf. Pie XI, enc. » Divini Redemptoris » condamnant le « faux mysticisme » de cette « contrefaçon de la rédemption des humbles » ; GS 20-21).
- 677 – L’Église n’entrera dans la gloire du Royaume qu’à travers cette ultime Pâque où elle suivra son Seigneur dans sa mort et sa Résurrection (cf. Ap 19, 1-9). Le Royaume ne s’accomplira donc pas par un triomphe historique de l’Église (cf. Ap 13, 8) selon un progrès ascendant mais par une victoire de Dieu sur le déchaînement ultime du mal (cf. Ap 20, 7-10) qui fera descendre du Ciel son Épouse (cf. Ap 21, 2-4). Le triomphe de Dieu sur la révolte du mal prendra la forme du Jugement dernier (cf. Ap 20, 12) après l’ultime ébranlement cosmique de ce monde qui passe (cf. 2p. 3, 12-13). » (Catéchisme de l’Eglise Catholique, promulgué le11 octobre 1992, publié solennellement le 7 décembre 1992).
21 novembre 2022 à 22:05
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21 novembre 2022 à 22:29
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