Archive pour Concordat

Qu’est-ce que la «Tradition» ?

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Eclaircissement au sujet des éléments spirituels,

historiques et religieux,

constitutifs de la sainte Tradition chrétienne

 

Dès l’origine il n’y a pas une Tradition, mais deux « traditions », deux cultes, ce qui signifie deux religions, l’une naturelle reposant uniquement sur l’homme, l’autre surnaturelle plaçant toutes ses espérances en Dieu seul et en sa Divine Providence.

Bénéficiant d’un usage devenu quasi classique, en particulier grâce aux efforts de l’ésotériste René Guénon (1886-1951)  [1], bien que sa place est, comme il se doit, éminente chez les catholiques fidèles à l’enseignement de l’Eglise, on constate pourtant, avec regrets, qu’aucune expression, aucun mot, aucune appellation ne donne lieu aujourd’hui à plus de contresens, d’affirmations erronées et d’incompréhensions que celui de « Tradition ». Il  faut reconnaître que son emploi, souvent de manière inexacte et inflationniste, à présent si courant en divers milieux, ne favorise guère la clarté du sujet, et une somme conséquente d’absurdités gigantesques constitue, hélas ! son environnement sémantique habituel caractéristique.

Alors même que rien ne serait plus essentiel que de pouvoir préciser ce que signifie la Tradition en nos temps si troublés et confus, il semble, paradoxalement, que l’on s’ingénie très souvent, par méconnaissance, ignorance, bêtise ou malveillance volontaire, qui sont allées jusqu’à tendre dernièrement à inférer au catholicisme traditionnel, par l’effet d’une profonde stupidité, son attitude de déférent respect vis-à-vis de l’apport des siècles et l’autorité du Magistère à une soumission mahométane face à la lettre du Coran, à rendre plus obscur encore ce qui devrait pourtant s’imposer à tous comme une évidence. De ce fait, les ambiguïtés successives s’accumulant d’une manière inquiétante, il nous apparaît donc nécessaire, en réaction face à cette situation, de dégager les grands principes qui président à l’essence de ce mot, et mettre en lumière les principaux fondements qui le sous-tendent.     

I. Sens étymologique et ecclésial du mot

Au sens étymologique, le mot Tradition est formé de « trans » (à travers) et de « dare » (donner). Il signifie donc littéralement : « Ce qui est donné par transfert ». Ainsi la seule idée qui est réellement incluse dans ses radicaux constitutifs est celle de translation, de livraison, de transmission, de passation, de transport, de legs. Le sens étymologique ne fait aucune allusion à la nature de ce qui est transmis. En somme, il désigne un véhicule dont il ignore le chargement. Il se contente de définir un certain mode d’acquisition des connaissances sans dire en quoi elles consistent. Il indique seulement comment on les reçoit. Mais quel est ce mode de réception ? C’est l’héritage. Ainsi, la Tradition, au sens étymologique, c’est le « legs du passé ».

Toutefois, dans la terminologie ecclésiastique, le mot Tradition ne s’applique plus à tout l’héritage du passé sans distinction de contenu. Il est réservé exclusivement à la partie de la Révélation divine qui n’a pas été consignée par écrit et qui s’est transmise oralement.

Toute Révélation en effet, peut laisser deux sortes de traces : une trace écrite qui vient s’ajouter à celles qui ont déjà éré consignées et qui formeront avec elle l’Ecriture Sainte, mais également une trace orale qui s’ajoute à la Tradition, car on recherchera et on recueillera évidemment les moindres vestiges des précieuses paroles divines. La reconnaissance de la Tradition comme deuxième source de la Révélation (la première étant l’Ecriture) est une caractéristique de l’Eglise catholique (et dans une mesure moindre de l’Eglise orthodoxe). Les écoles protestantes sont partagées sur ce chapitre ; les unes admettent une certaine tradition mais la limitent à quelques textes ; la majorité est hostile à la notion même de « tradition », à laquelle elle oppose l’adage ‘‘Sola Scriptura ’’.

La Tradition chrétienne

ne se rattache pas à un ensemble de mythes

communs avec le reste de l ‘humanité,

mais est liée à une « Révélation ».

Aussi, est-il bon de donner quelques preuves de l’ancienneté de cette reconnaissance de la Tradition Apostolique, telle que l’entend l’Eglise catholique, ce que  Saint Augustin résume de cette façon : « Il y a beaucoup de choses auxquelles l’Eglise est fermement attachée et que l’on est autorisé, par conséquent, à regarder comme ordonnées par les Apôtres, bien qu’elles ne nous aient pas été transmises par écrit. » (De Bapt. V, 23-31). En effet, l’Eglise considère, à juste titre, puisqu’elle est l’assemblée fondée par le Christ qui bénéficie constamment de sa grâce, que la vérité chrétienne est donnée à la fois par la Bible et la Tradition qui trouve son expression normative dans les déclarations du Magistère. C’est ce que rappela avec fermeté le Concile de Trente:  « Le sacro-saint Synode oecuménique et général de Trente, légitimement assemblé dans le Saint-Esprit, constamment conscient du fait qu’il faut supprimer l’erreur pour préserver l’Evangile dans sa pureté au sein de l’Eglise, Evangile qui fut antérieurement promis par les prophètes dans l’Ecriture Sainte, entrevoyant clairement cette vérité et discipline qui, ayant été reçue par les apôtres de la bouche du Christ même ou communiquée à eux par la dictée du Saint-Esprit, suivant l’exemple des Pères, reçoit avec un égal sentiment de piété et d’honneur tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, dont le même Dieu est l’auteur, ainsi que lesdites traditions, qu’elles concernent la foi ou les moeurs, comme ayant été dictées soit par la bouche même du Christ, soit par le Saint-Esprit, et préservées dans l’Eglise Catholique par une succession ininterrompue. » [Concile de Trente, 1545-1563, Session 4].héritage symbolique particulier, à un ensemble de coutumes ou de mythes qui seraient communs avec le reste de l ‘humanité, mais est liée et dépendante d’une « Révélation » et d’un culte, transmis non par une civilisation, mais par une lignée, une descendance qui est celle des Patriarches, des Justes et des Prophètes aboutissant au Messie, par le mystère de l’Incarnation du Christ Jésus

Ainsi l’Eglise, société surnaturelle fondée par le Christ, est donc la gardienne de !’Écriture et de la Tradition qui sont les deux sources principales de la Révélation. C’est pourquoi, il est certain que si l’on donne une définition confuse de la Tradition, on fait de l’Eglise la gardienne d’une Révélation elle-même confuse. Il est, dès lors, plus que vital de bien comprendre ce que l’on doit entendre sous le nom de Tradition.

II. Qu’entend-t-on par « Révélation divine » ?

S’il est au monde, aujourd’hui,

une religion capable précisément de parler de la Tradition

et d’en présenter le contenu,

c’est le christianisme. Il n’y en a pas d’autres !

 

La Révélation divine s’est manifestée en trois grandes phases. Il y eut d’abord une Révélation primitive qui fut reçue par les Patriarches mais qui n’engendra aucune Écriture, puis une seconde Révélation qui donna naissance à l’Ancien Testament et, enfin, une troisième Révélation, celle du Messie, qui engendra le Nouveau Testament avec lequel la Révélation publique est close. Chaque phase a vu apparaître une forme particulière de Tradition qui a véhiculé la partie non écrite de la Révélation et que l’Eglise, sous sa forme du moment, s’est attachée à conserver. En effet, tous les historiens de la Religion sont d’accord pour affirmer que l’Eglise, bien que sous des formes différentes, remonte aux toutes premières origines de l’humanité, donc au temps des toutes premières Révélations.

Puisque nous voulons définir la Tradition, nous devons donc nécessairement en saisir la chaîne dès le début et nous demander : dans quelles conditions précises  elle a pu ou non parvenir jusque nous ? De l’avis général des docteurs de l’Eglise, la Révélation faite par Dieu à Adam et aux patriarches qui lui ont succédée comportait quatre composantes essentielles : un Dieu, une Loi, un Culte et une Prophétie :

+ Un Dieu – Le Dieu de la Tradition est personnel, créateur et unique. Il est personnel, on peut avoir avec Lui un commerce ; Il n’est ni une force aveugle, ni une entité abstraite ; la religion primitive n’est pas panthéiste. Dieu est créateur ; Il n’a aucune force indépendante au-dessus de Lui ; Il est souverain maître de tout, donc créateur de tout. Dieu est unique ; il n’y a pas d’autre dieu que Lui ; la relation primitive n’est pas non plus polythéiste.

+ Une Loi – Elle est tacite ; c’est la règle de conduite mise au cœur de l’homme ; c’est la voix de la conscience ; c’est la loi naturelle ; elle n’est donc pas positivement révélée ; mais quand Caïn la transgresse, Dieu la rappelle explicitement ; elle est d’ailleurs complétée par des prescriptions diverses, comme par exemple le précepte de procréation.

+ Un Culte – La loi du sacrifice est universelle ; elle consiste à confesser devant Dieu son propre néant ; tel est le fondement du culte ; de non-sanglant qu’il était avant la chute, il est devenu sanglant depuis, puisqu’il s’y est ajouté la nécessité de l’expiation ; Abel a compris cela et non Caïn. Le culte de Caïn est une offrande d’action de grâce, c’est désormais insuffisant ; il n’est pas accepté par Dieu. Le sacrifice d’Abel est expiatoire et il va donc entrer dans la tradition divine comme ayant été accepté par Dieu.

+  Une Prophétie – On l’appelle le « Protévangile » ; en voici le texte. Dieu s’adresse au serpent après l’épisode de la tentation originelle. Le Protévangile est la pièce maîtresse de la Tradition primitive  : «Je mettrai des inimitiés (au pluriel dans le texte : inimicitias) entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité ; elle te brisera la tête et tu la mordras au talon.» (Genèse, III, 15).

III. Division en deux formes distinctes de la Tradition

Le problème, c’est que les deux traditions portent le même nom (tradition), mais n’ont pas du tout le même contenu. Il faut impérativement pour dénouer cette difficulté, discerner entre les deux traditions, laquelle contient véritablement la « Tradition primitive » et laquelle est un rameau dévié.

La Tradition première, qui donc contenait oralement toute la Révélation, a été l’objet de très graves altérations. Il s’y est mêlé des traditions profanes, non révélées qui par conséquent ont fini par envahir, étouffer et effacer toute trace de vraie Tradition, c’est-à-dire de la Révélation divine. D’ailleurs l’Histoire de la Religion sur la terre, jusqu’à Abraham, n’est autre chose que celle des altérations successives de la Tradition primitive.

Ceci explique pourquoi s’il est au monde, aujourd’hui, une religion capable précisément de parler de la Tradition et d’en présenter le contenu, c’est le christianisme. Il n’y en a pas d’autres. Quand Guénon dit : «Le christianisme a oublié la Tradition, c’est l’Inde qui l’a conservée», il se trompe [2]. C’est exactement le contraire, en réalité. Toutes les religions païennes (et pas seulement l’hindouisme), ont quitté la ligne droite des jalons traditionnels avant Abraham et avant l’Ecriture. Elles ne possèdent donc, de la Tradition, que la version babélienne dont, justement, Dieu n’a pas voulu.

IV. Altération de la Tradition

Toutes les religions païennes

ne possèdent de la Tradition,

que la version babélienne dont Dieu n’a pas voulu.

 

Le corollaire obligé de la confusion et de la dispersion babélienne, c’est la vocation d’Abraham. Il n’y a plus d’autre moyen, pour perpétuer la Vraie Religion, que de constituer un « peuple-citadelle » qui en soit le gardien. Mais de quoi ce peuple serait-il le gardien, s’il n’y a plus rien à garder ? Or, à la période du Déluge, l’apostasie était devenue générale et irréversible, il n’y avait donc plus rien à garder. Il fallait donc que Dieu reconstitue la Tradition première (ou sacerdotale primitive) ; il lui fallait procéder à une nouvelle Révélation qui serait la répétition de la première, il fallait tout refaire de rien. Patiemment Dieu, comme nous le savons, de nouveau, se révèlera à Abraham, Isaac et Jacob, en vue de reconstituer la Tradition première qui était perdue. C’est donc Moïse, après l’élection d’Abraham, qui sera chargé de recueillir la Révélation nouvelle par laquelle Dieu reconstituait la Tradition primitive oubliée. Mais, cette fois, la Révélation fut consignée par écrit : c’est l’Ecriture Sainte. En même temps, une organisation sacerdotale est créée, qui veillera entre autres fonctions, à la conservation littérale de l’Ecriture. Et les générations futures n’auront qu’à se louer de la rigueur avec laquelle cette conservation sera réalisée. Nous connaissons donc aujourd’hui la Tradition Patriarcale, non pas directement et oralement, mais par l’Ecriture.

Ceux qui n’adhèrent pas à l’Ecriture, comme les hindous,

les bouddhistes, taoistes, polythéistes, etc.,

ne connaissent de la Tradition que ce qui en subsistait à Babel,

c’est-à-dire la partie profane, cosmologique et récente ;

la partie qui est sans valeur pour le Salut.

 

Comment savons-nous ce que Dieu a dit à Adam, puis à Noé ? Ce n’est certes pas par la Tradition puisqu’elle a été altérée et même oubliée. C’est pas l’Ecriture. Ceux donc qui n’adhèrent pas à l’Ecriture, comme c’est le cas des hindous, bouddhistes, taoistes, polythéistes, etc., ne connaissent de la Tradition que ce qui en subsistait à Babel, c’est-à-dire la partie profane, cosmologique et récente ; la partie qui est sans valeur pour le Salut ; c’est d’ailleurs pour cela qu’ils ignorent le Salut et qu’ils le remplacent par la « délivrance », terminologie si prisée par René Guénon.

V. La Tradition est double

Or, il n’est pas indifférent de noter que si n’est quasiment jamais fait mention de la tradition hébraïque dans les écrits de Guénon ou de manière passablement anecdotique, c’est qu’il la considère comme relativement périphérique et non centrale vis-à-vis de la tradition orientale, ce qui n’est pas sans poser d’immenses et quasi insolubles problèmes théoriques puisque le judaïsme, ou plus exactement « l’Histoire Sainte » dont il est le témoin et le dépositaire de par une élection toute spéciale (« Histoire Sainte » à l’intérieur de laquelle est placé l’ensemble des bases de la foi chrétienne puisque s’inscrivant dans le plan général de la Rédemption), se veut et se présente comme dévoilant et expliquant l’histoire générale de l’humanité depuis le comment de la Création et le début des temps, possédant un dépôt d’une valeur et d’une éminence de Vérité à nulle autre comparable.

Dans ce cas il convient donc de savoir, question essentielle, laquelle des deux traditions, l’orientale ou, la judéo-chrétienne, est vraiment « originelle », « Primordiale », et quelle est celle qui n’est qu’un « rameau détaché » d’un tronc authentiquement primitif ?

S’il n’est quasiment jamais fait mention

de la tradition hébraïque dans les écrits de Guénon,

c’est qu’il la considère comme relativement périphérique

et non centrale vis-à-vis de la tradition orientale…

 

Dès l’origine il y a donc, non pas une Tradition, mais deux « traditions », deux cultes, ce qui signifie deux religions, l’une naturelle reposant uniquement sur l’homme, l’autre surnaturelle plaçant toutes ses espérances en Dieu seul et en sa Divine Providence. La suite des événements n’aura de cesse de confirmer ce constant antagonisme, cette rivalité et séparation entre deux « voies » dissemblables que tout va en permanence opposer, les rendant rigoureusement étrangères et inconciliables.

Il n’est pas indifférent de relever l’analyse pertinente de saint Augustin (324-385) au sujet de ces « deux postérités » engendrant deux traditions et donc deux « Cités » absolument irréconciliables et antagonistes, deux « Cités » que tout oppose et sépare, fondées sur des principes radicalement divergents, travaillant à des objectifs totalement contraires, poursuivant des buts à tous égards dissemblables [3].

VI. La tradition mensongère

On comprend mieux pourquoi, du fait qu’ils appartiennent à la tradition déviée et pervertie qui a la haine de Dieu et de ses lois, les ennemis de l’Eglise attaquent toutes les institutions, matérielles et spirituelles : dogme, hiérarchie, sacrements, implantation territoriale, tout ce qui incarne la réalité de la présence de la société spirituelle fondée par Jésus-Christ, société qui est en horreur à Satan et à ceux qui lui sont, consciemment ou inconsciemment, soumis. La Tradition que protège l’Eglise est, comme il est aisé de le concevoir, l’objet d’attaques particulières animées par une féroce hostilité.

D’autres, plus perfidement, faussement catholiques, défendent une tradition mouvante, évolutive, changeante, alors que du point de vue dogmatique, la Tradition ne possède pas de véritable variabilité, car le changement ne peut avoir lieu que dans le sens de l’enrichissement : un enrichissement c’est-à-dire un processus qui ne comporte par d’éliminations. Quand une notion aura été une fois réputée traditionnelle par les autorités de droit avec les preuves d’apostolicité qui s’imposent, personne ne lui retirera plus jamais sa traditionnalité. Il s’agit donc d’un épanouissement de la même nature que celui du dogme avec lequel d’ailleurs il chevauche. Il n’y a pas d’épanouissement sans stabilité. Certains, qualifient donc la Tradition de « vivante », la soumettant à un processus naturel vital, c’est-à-dire à une alternance d’assimilations et d’éliminations, les unes provoquant les autres, tolérant d’elle qu’elle se débarrasse périodiquement d’un certain nombre d’éléments qui « ont fait leur temps » et qui seront remplacés par les nouveaux [4]. Voilà la Tradition devenue évolutive et le tour est joué. Il ne s’agira plus d’un épanouissement mais d’un tourbillon !

L’Eglise est gardienne d’une Tradition

antagoniste de celle de Babel.

C’est même un des traits particuliers de l’Eglise,

que d’avoir été maintenue séparée

de la souche des fausses religions païennes.

 

Redisons avec force, que la Tradition des Apôtres forme, avec celle des Patriarches, un ensemble homogène qui constitueprécisément cette vraie « Tradition » dont l’Eglise est la détentrice.

Parallèlement à ce courant orthodoxe, il s’est créé un autre courant que l’on devrait appeler « pseudotraditionnel » et qui en diffère, évidemment, dans son contenu et dans son mode de constitution. Le contenu de la « pseudo-tradition » n’est pas homogène ; il est composite. Il est fait de trois constituants, mêlés plus ou moins intimement. On y trouve des vestiges déformés de la Révélation Divine, comme par exemple les conceptions panthéistes et païennes. On y trouve des élucubrations humanitaires comme celles de la Tour de Babel. Et l’on y trouve des produits de la fausse mystique, c’est-à-dire de la mystique démoniaque qui est la source de la mythologie polythéiste.

Bref, cette pseudo-tradition véhicule, mêlées ensemble, toutes les productions de la religiosité naturelle. Quant à son mode de constitution, on peut dire que la pseudo-tradition est dans son droit quand elle prétend à la même ancienneté que la Vraie.

Elles ont toutes les deux le même point de départ qui est le jugement de Dieu sur les sacrifices d’Abel et de Caïn. La pseudo-tradition est aujourd’hui défendue, sous le nom de « tradition ésotérique », par des penseurs qui en font la source commune  fondée pour les religions non-chrétiennes.

Mais elle est sans fondement pour l’Eglise laquelle est gardienne d’une Tradition essentiellement antagoniste de celle-là. C’est même un des traits particuliers de l’Eglise, à toutes les époques, que d’avoir été maintenue séparée de la souche commune des fausses religions.

VII. La fallacieuse idée de l’évolution de la Tradition 

S’il était absolument nécessaire de rappeler ces définitions, c’est que nous assistons à une manœuvre qui tend à dénaturer et à transformer la vraie Tradition, en lui faisant perdre sa rigueur et en la rendant évolutive afin d’y introduire des éléments notionnels hétérodoxes.

Le christianisme, pensait Joseph de Maistre (1753-1821), sous-entendant évidemment le catholicisme, est le couronnement des religions, « La Religion » par définition, celle qui conduit à son maximum de profondeur l’exigence métaphysique universelle, celle qui recèle les mystères religieux ineffables malheureusement oubliés, celle qui « révèle Dieu à l’homme » [5].

De ce fait, la Vérité ne change pas, son expression, les modes de sa formulation peuvent sensiblement varier avec les époques, mais rien, absolument rien ne peut être modifié de l’essence sacrée et éternelle du saint et vénérable dépôt de la Foi, c’est pourquoi le Saint-Office le 3 juillet 1907, par le Décret Lamentabili, réprouva et condamna comme erronée, fallacieuse et hérétique la proposition : « La vérité n’est pas plus immuable que l’homme, elle évolue avec lui, en lui et par lui. » [6]

« Nos Prédécesseurs se montrèrent les défenseurs et les vengeurs de l’auguste religion catholique, ils n’ont jamais rien eu de plus à cœur que de découvrir et de condamner toutes les hérésies et les erreurs contraires notre Foi divine, à la doctrine de l’Église Catholique. »

Souvenons-nous de ce qu’écrivait Pie IX dans l’encyclique Quanta cura, déclarant en préambule, alors que les pernicieuses idées révolutionnaire menaçaient la Tradition de l’Eglise, en attaquant ses fondements, niant son authenticité et lançant les pires attaques à son encontre soutenant le caractère évolutif et progressif des dogmes et de la Foi :

– « Nos Prédécesseurs se montrèrent les défenseurs et les vengeurs de l’auguste religion catholique, de la vérité et de la justice : soucieux, avant tout, du salut des âmes, ils n’ont jamais rien eu de plus à cœur que de découvrir et de condamner par leurs très sages Lettres et Constitutions toutes les hérésies et les erreurs qui, contraires à notre Foi divine, à la doctrine de l’Église Catholique, à l’honnêteté des mœurs et au salut éternel des hommes, ont fréquemment soulevé de violentes tempêtes et lamentablement souillé l’Église et la Cité. C’est pourquoi Nos mêmes Prédécesseurs ont constamment opposé la fermeté Apostolique aux machinations criminelles d’hommes iniques, qui projettent l’écume de leurs désordres comme les vagues d’une mer en furie et promettent la liberté, eux, les esclaves de la corruption : ébranler les fondements de la religion catholique […] corrompre les âmes et les esprits, détourner des justes principes de la morale ceux qui ne sont pas sur leurs gardes, en particulier la jeunesse inexpérimentée, la dépraver pitoyablement, l’entraîner dans les pièges de l’erreur, et enfin l’arracher du sein de l’Église catholique, voilà le sens de tous leurs efforts. » [7]

Il poursuivait ainsi :

« Ne cessez jamais d’inculquer aux fidèles que tout vrai bonheur découle pour les hommes de notre sainte religion, de sa doctrine et de sa pratique, et « qu’heureux est le peuple dont Dieu est le Seigneur » (Psaume 143). Enseignez que « l’autorité repose sur le fondement de la Foi Catholique » (Saint Célestin, Lettre 22 au Synode d’Éphèse) et « qu’il n’y a rien de plus mortel, rien qui nous précipite autant dans le malheur, nous expose autant à tous les dangers, que de penser qu’il nous peut suffire d’avoir reçu le libre arbitre en naissant ; sans avoir à rien demander de plus à Dieu ; c’est-à-dire, qu’oubliant notre Créateur, nous renions son pouvoir sur nous pour manifester notre liberté. » (Saint Innocent I, Lettre 29 au Concile Épiscopal de Carthage). N’omettez pas non plus d’enseigner que « le pouvoir de gouverner est conféré non pour le seul gouvernement de ce monde, mais avant tout pour la protection de l’Église » (Saint Léon, Lettre 156). »  [8]

Conclusion

Ceci explique pourquoi, alors que l’objet de la foi catholique s’appuie uniquement sur le dépôt contenu dans l’Ecriture et la Tradition confiée à l’interprétation de la Sainte Eglise, c’est positivement le péché des athées, c’est-à-dire l’orgueil, qui volontairement rejettent Dieu parce qu’ils ne veulent pas de maître [9], soutiennent sous couvert d’une chimérique évolution,  que le respect de la Tradition est une soumission mahométane chez ceux qui l’observent, et reproduisent ainsi sans s’en rendre compte par leur stupide attitude, équivalemment, le péché de Lucifer qui, voulant être autonome, refusa de se soumettre à Dieu.

Comme nos premiers parents qui, désirant être comme des dieux, voulurent connaître par eux-mêmes le bien et le mal,  les hérétiques refusent de s’incliner devant l’autorité du Magistère et des actes de l’Eglise établie par Dieu, et rejettent ceux qui, pieusement, révèrent les déclarations de la sainte institution. Il est intéressant de noter que c’est également l’attitude des rationalistes, scientistes et autres modernes esprits qui, fiers de leur raison, ne veulent pas la soumettre à la Foi. C’est aussi le péché de certains faux chrétiens trop orgueilleux pour accepter l’interprétation traditionnelle des dogmes, les atténuent, les relativisent, les discutent et les déforment pour les harmoniser avec leurs médiocres exigences. Un grand nombre tombent ainsi implicitement dans ce terrible et repoussant défaut, en agissant comme si les dons naturels et surnaturels dont Dieu les a gratifiés, étaient complètement leurs. Sans doute reconnaissent-ils parfois, du moins en théorie, que Dieu est leur premier principe ; mais en pratique, ils s’estiment démesurément comme si ils étaient eux-mêmes les auteurs des qualités qui sont en eux en ratiocinant, bavardant à l’excès, pérorant, jacassant, interprétant, tenant des propos superficiels et tordant les principes éternels de la Foi. Ils se complaisent ainsi indécemment dans leurs piètres qualités et leurs misérables mérites, comme s’ils en étaient les seuls auteurs, ignorant l’avertissement sage de Bossuet :

« L’âme se voyant belle s’est délectée en elle-même,

et s’est endormie dans la contemplation de son excellence :

elle a cessé un moment de se rapporter à Dieu : elle a oublié sa dépendance ;

elle s’est premièrement arrêtée et ensuite livrée à elle-même.

Mais en cherchant d’être libre

jusqu’à s’affranchir de Dieu et des lois de la justice,

l’homme est devenu captif de son péché » [10].

 

Notes.

 

[1] René Guénon a bénéficié d’un parcours initiatique et maçonnique plus que substantiel. Reçu le 25 octobre 1907 au sein de la Loge Humanidad n° 240, ainsi que, le même jour, dans le Chapitre et Temple « I.N.R.I. » du Rite Primitif et Originel Swedenborgien, il se vit remettre des mains de Theodor Reuss (1855-1923) le cordon noir de Kadosh. Puis après avoir été élevé à la maîtrise, le 10 avril 1908, non sans suivre en parallèle une démarche Martiniste (c’est Phaneg, de son vrai nom Georges Descomiers (1867-1945), qui le fera Supérieur Inconnu lui donnant une chartre de délégué général pour le Loir-et-Cher) qui s’acheva par sa consécration épiscopale par Fabre des Essarts (1848-1917) sous le nom de « Palingenesius d’Alexandrie », en tant qu’évêque de l’église gnostique fondée par Jules Doinel (1842-1902), n’hésitant pas à s’engager dans la création d’un Ordre Rénové du Temple. En 1912 ’il sera accepté comme maître maçon dans la Loge Thébah travaillant au Rite Ecossais Ancien et Accepté sous les auspices de la Grande Loge de France, Loge qu’il fréquentera régulièrement jusqu’en 1917, où il s’éloignera de France pour enseigner comme professeur de philosophie à Sétif en Algérie.

[2] Pour René Guénon, l’essence de la Tradition primordiale se retrouve de façon privilégiée dans la tradition hindoue qui est détentrice d’une source directe d’une incomparable pureté à l’égard des fondements premiers de la « Science Sacrée » d’origine non-humaine selon-lui, plaçant les autres traditions dans une sorte de situation de dépendance à son égard, comme il le déclare de manière catégorique et stupéfiante en affirmant  :« La situation vraie de l’Occident par rapport à l’Orient n’est, au fond, que celle d’un rameau détaché du tronc .» (R. Guénon, Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, 1è partie, chapitre 1.)

[3] C’est sans doute dans le livre XV de son ouvrage La Cité de Dieu, que saint Augustin, Père et docteur de l’Eglise, développera le plus complètement l’exposé de sa doctrine qui deviendra l’une des colonnes fondatrices de la théologie chrétienne en Occident.

[4] La grande argumentation des hautes instances vaticanes lors du dernier concile, était de poser un principe fallacieux, mais qui semblait qui aller de soi, à savoir que la quintessence de la Tradition, dans l’Église, était d’évoluer et de s’adapter toujours et toujours… sans doute comme les volutes de la fumée dans le vent de l’histoire ! Reconnaissons toutefois, malgré l’état d’esprit moderniste de certains passages contestables, l’excellence de ces lignes de la Constitution Dogmatique Dei Verbum : « La sainte Tradition et la Sainte Ecriture sont reliées et communiquent  étroitement entre elles, car toutes deux jaillissant d’une source divine identique, ne forment pour ainsi dire qu’un tout et tendent à une même fin… La sainte Tradition, porte la Parole de Dieu, confiée par le Christ Seigneur et par l’Esprit Saint aux apôtres, et la transmet intégralement à leurs successeurs… La sainte Tradition et la Sainte Ecriture constituent un unique dépôt sacré de la Parole de Dieu, confié à l’Eglise. » (Constitution Dogmatique Dei Verbum, § 9,v.10).

[5] J. de  Maistre, Du Pape, liv. III, ch. I.

[6] « Veritas non est immutabilis plus quam ipse homo, quippe quae cum ipso, in ipso et per ipsum evolvitur ». DENZINGER, n° 2058,  Décret Lamentabili, 3 juillet 1907. L’Encyclique Pascendi dominici gregis parut deux mois plus tard, le 8 septembre 1907 ; elle condamnait le modernisme comme le renouvellement de nombreuses hérésies. Elle repoussait sa conception de l’expérience religieuse substituée à ces preuves, conception dans laquelle se confondent l’ordre de la nature et celui de la grâce.

[7] Quanta cura, Lettre encyclique de sa sainteté le Pape Pie IX, 8 décembre 1864.

[8] Ibid.

[9] C’est d’eux que parle le Psalmiste quand il dit : « L’insensé a dit en son cœur : il n’y a pas de Dieu » (Ps. XIII, 1).

[10] Bossuet, Traité de la concupiscence, ch. XI.

 

 

LA QUESTION : orientations doctrinales

Posted in Catholicisme, La Question, Tradition with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , on 2 février 2010 by La Question : Actualité Religieuse

par Zacharias

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Misericordia et Justicia

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« Quiconque veut être sauvé,

doit avant tout tenir la foi catholique :

celui qui ne la garde pas intègre et inviolée ira,

sans aucun doute, à sa perte éternelle

(Saint Athanase, Symbole Quicumque).

Plus que jamais, au moment où les analyses de “La Question” semblent intéresser un auditoire de plus en plus large et diversifié, il nous apparaît indispensable de préciser clairement l’originalité de notre démarche, c’est-à-dire exposer les raisons de notre positionnement si spécifiquement critique et radical, qui peut parfois surprendre et souvent étonner.

Disons, immédiatement, que d’un point de vue purement doctrinal, outre l’enseignement des pères, docteurs et saints de l’Eglise, nous ne faisons pas mystère de notre immense attachement à l’égard de la doctrine de saint Augustin , le père de l’Occident chrétien, et aux idées de Joseph de Maistre (1753-1821) et, plus largement, aux penseurs contre-révolutionnaires qui marquèrent le renouveau de la vie spirituelle au XIXe siècle, et qui, précisément, reprirent et adoptèrent les thèses du comte chambérien au sujet de la « Tradition », et en firent un profitable usage dans leurs propres œuvres, dont, pour ne citer que les plus connus : le vicomte Louis de Bonald (1754-1840), Antoine Blanc de Saint-Bonnet (1815-1880) et le célèbre abbé de Solesmes, Dom Guéranger (1806-1875).

I. La défense de la Tradition

 

Il importe ainsi de souligner, rapidement, ce qui nous particularise, ce qui nous distingue et ce qui explique notre dette, de par nos convictions chrétiennes traditionnelles affichées et déclarées, à l’égard de la pensée des pères grecs et latins, des docteurs, des théologiens et des saints qui constituèrent le précieux patrimoine dogmatique et doctrinal de l’Eglise jusqu’à la convocation du funeste concile Vatican II [1], non par un souci de recherche d’une vaine originalité, mais par une conscience vive de la sensibilité particulière qui caractérise les tenants de la Tradition.

En effet, ce blog ne s’est pas fixé plusieurs objectifs de manière cumulative, il s’en est donné un seul, de façon impérative et exclusive : la reprise d’une véritable démarche de nature authentiquement critique vis-à-vis des travers de la modernité religieuse et du libéralisme à l’école de la pensée et de l’enseignement de ceux que l’on désigne sous le nom de « penseurs contre-révolutionnaires ».

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Joseph de Maistre (1753-1821)

La Question est engagée dans une véritable démarche de nature traditionnelle,

à l’école de l’enseignement

des penseurs contre-révolutionnaires.

On l’a suffisamment dit et répété, notre attitude n’est pas réductible aux modes classiques par lesquels certains tentent en vain de vouloir agir sur le monde ou s’y confronter. Notre attachement principiel relève d’une mise en oeuvre de l’exigence spirituelle et mystique sur un plan métaphysique et ontologique, dont il n’est point nécessaire de trop expliciter la méthode, car il suffit d’en comprendre l’origine et le sens, sens éminemment religieux on s’en doute sans peine, pour se former une idée juste de ce que nous sommes et exprimons.

La rigueur de nos positions, qui se s’est traduite par des analyses relativement sévères au sujet de divers évènements, ou même de personnes que nous n’avons pas pour habitude d’épargner (auteurs modernistes soi-disant catholiques,  hommes d’église progressistes, etc.) [2], nous oblige d’ailleurs à maintenir une ligne relativement étroite, ce dont on a pu, à plusieurs occasions, nous faire le reproche ; reproche que nous avons d’ailleurs, nous l’avouons volontiers, plutôt accueilli comme un compliment.

En cela nous croyons répondre au devoir supérieur d’apostolat qui d’ailleurs, dans le Nouveau Testament déjà en ce qui regarde la proclamation du message de la Révélation, n’était pas uniquement le privilège des Douze, mais de tous ceux qui croyaient en Jésus-Christ. De la sorte, chaque chrétien, de par son baptême qui l’incorpore au Christ, reçoit cette mission apostolique, élément essentiel du sacerdoce des baptisés dans la mesure où le chrétien, chaque chrétien, est astreint lui aussi à la mission de témoignage et de défense de la vérité, ce que dans l’histoire de l’Eglise confirma sous la forme des innombrables associations de fidèles, de pénitents ou les tiers ordres, qui ont constitué depuis des siècles une ligne continue, comme le montrent jusqu’à nos jours les diverses confréries pieuses auxquelles pourraient, avec ses divers membres, s’avoisiner La Question [3].

II. Le combat contre le nihilisme intemporel, l’idéologie de la « dignité humaine » et la glorification de la chair

L’expérience de notre confrontation avec le nihilisme contemporain sous ses diverses formes, et dont la société d’aujourd’hui hideusement désacralisée offre le pénible spectacle, nous a appris à ne pas interpréter la situation présente uniquement en termes de deuil circonstanciel, de néant relatif à une période déterminée, comme si naïvement il y avait eu un temps antérieur de pure lumière et d’entière plénitude, de valeurs sûres et bien établies. Nous le savons, le nihilisme n’est pas un phénomène historique, il traverse et commande la totalité de l’Histoire, car, ainsi que le soulignait Joseph de Maistre : « Le mal a tout souillé, et dans un sens très vrai tout est mal puisque rien n’est à sa place. (…) Tout les êtres gémissent et tendent avec effort vers un autre ordre des choses. » (J. de Maistre, Oeuvres Complètes, t. I, p. 39).

Ainsi, nous devons avouer que pour nous il n’y a pas d’extériorité par rapport au nihilisme, c’est-à-dire qu’il n’existe pas d’alternative, de nostalgie d’un avant ou d’un après, car c’est l’existence elle-même, par delà les époques, qui est plongée dans l’abîme du nihil (rien), qui est confrontée, depuis le péché originel, à la nécessité d’affronter la question de l’absence, du délaissement, de l’angoisse et de la perte, du tragique de l’échec et de la mort.

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« Le mal a tout souillé,

et dans un sens très vrai tout est malpuisque rien n’est à sa place.

Tout les êtres gémissent et tendent avec effort vers un autre ordre des choses. »

(J. de Maistre)

En fidèles disciples de saint Augustin, nous considérons que la faute d’Adam est d’autant plus grave et inacceptable qu’il était pourvu en Eden d’une grâce spéciale et particulière le rendant, certes pleinement libre et responsable de ses actes, mais surtout capable de résister à la tentation et au mal. Or ce n’est plus le cas à présent, depuis la chute, puisque les créatures vivent sous la domination d’une faiblesse qui a puissamment abîmé et réduit leurs facultés, si bien que tous les hommes sont aujourd’hui, par nature, devenus des « enfants de colère » (Ephésiens 2,3), des êtres corrompus et dégradés.

De la sorte, inutile de préciser notre hostilité aux couronnes tressées à la gloire de l’homme par l’Eglise conciliaire, car les créatures ne peuvent être « libres » au sens de l’idéologie des « Droits de l’homme », puisque toutes ne sont aucunement libres mais prisonnières, à l’état naturel, de forces négatives qui les entraîne vers la corruption et le péché. L’idéologie des « Droits de l’homme », qui souhaite mettre l’homme à la place de Dieu, travaille donc positivement à renverser l’ordre originel au profit d’une entreprise prométhéenne diabolique, oubliant que tout est mal parce que tout a été vicié par le péché originel. Comme le disait déjà Pascal à propos du péché originel : « sans ce mystère, le plus incompréhensible de tous, nous sommes incompréhensibles à nous-mêmes » (Pensées). Il y a donc une dégradation, non seulement de notre nature, mais de tout l’univers : « L’homme est puni par là où il a péché, c’est-à-dire dans sa volonté. Il ne sait pas ce qu’il veut, il veut ce qu’il ne veut pas,, il ne veut pas ce qu’il veut; il voudrait vouloir. » (J. de Maistre, Soirées de St. Pétersbourg).

III. La mise à jour de la corruption de l’homme et l’appel à la pénitence

L’homme, depuis le chute, est concrètement soumis à Satan, ses désirs, sa volonté, et, hélas ! jusqu’à ses vertus sont l’otages des forces négatives. Le Christ est donc venu pour nous libérer de ces puissances nocives, non pas pour célébrer la gloire de l’homme et le triomphe de l’humanité, mais pour nous demander de retrouver le chemin d’une juste position de piété à l’égard de Dieu.

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« J’ai prêché la repentance envers Dieu

et la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ. »

(Actes 20.21)

Ceci explique pourquoi le premier message de l’Évangile, annoncé par Jean-Baptiste et prêché par Jésus lui-même , est : « Repentez-vous, et croyez ! » (Matthieu 3.2-11). La repentance est à la base du message de l’Évangile. L’apôtre Paul écrit d’ailleurs : « J’ai prêché la repentance envers Dieu et la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ. » (Actes 20.21) Et la première prédication de l’apôtre Pierre se conclut par : « Repentez vous ! » Ainsi, « Repentez-vous » est l’exclamation que l’on entend dans toute la Bible, lorsque Dieu appelle les hommes à prendre conscience de leurs péchés et à revenir vers Lui, mais les hommes, malgré l’appel de Dieu et sa patience, refusèrent de reconnaître les causes de leurs malheurs et ne voulurent jamais se repentir, au nom de leurs prétendus « Droits » à présent érigés en dogme. Dès lors on comprend mieux pourquoi le credo de l’idéologie révolutionnaire s’appuie, en tous ses fondements, sur les Droits de l’homme, sachant que : « Si, arrachant le masque à la Révolution, vous lui demandez : Qui es-tu ? elle vous dira : … Je suis la haine de tout ordre religieux et social que l’homme n’a pas établi et dans lequel il n’est pas roi et Dieu tout ensemble ; je suis la proclamation des droits de l’homme contre les droits de Dieu… » (Mgr Gaume, La Révolution, recherches historiques sur l’origine et la propagation du mal en Europe, tome I, page 46.)

IV. La dénonciation de l’hérésie panthéiste et naturaliste de Vatican II

Le plus grave, du point de vue de la situation actuelle, c’est que le dernier concile de l’Eglise, Vatican II, sous l’impulsion de nombreux théologiens progressistes et du pape Jean-Paul II, infecté par le naturalisme panthéiste, en rupture avec l’enseignement traditionnel de l’Eglise [4] a soutenu une thèse scandaleusement hérétique portant sur une théorie inacceptable soutenant une « communication des idiomes » entre la Divinité et l’homme, théorie qui tend à affirmer que par son Incarnation « le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » [5].

Cette conjugaison de deux erreurs, anthropologique et christologique, est une thèses profondément hérétique qui résulte d’une idée axiale singulièrement inexacte : les attributs divins ont été conférés à tous les hommes, même les non baptisés, y compris les païens et les idolâtres, du simple fait qu’ils soient hommes.

Telle est, scandaleusement car rendant inutile l’œuvre salvifique du Christ si tout homme est sauvé dans sa religion, toute la délirante doctrine de Vatican II et de Jean-Paul II, pape qui a pu affirmer dans une allocution, se citant lui-même : « Le concile Vatican II l’a rappelé avec acuité : “ Par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. ” ».  Et nous retrouvons, encore et toujours ce dogme impie et hérétique de « l’homme-dieu » qui a conduit à la divinisation de l’homme en tant que tel, c’est-à-dire du seul fait qu’il soit homme (la fameuse « dignité de la chair »), et à la naturalisation de Dieu dont les échos se font sentir dans les terribles déviations de l’Eglise conciliaire qui est en train d’édifier autour d’elle un champ de ruine.

On est en présence ici, comme on le constate, de tous les éléments propres à définir une hérésie : appropriation et réinterprétation du rôle et de la personne du Christ, dévolution à l’homme des idiomes propres à la Divinité, ce qui aboutit concrètement à une naturalisation du surnaturel et à surnaturalisation du naturel, dérive hérétique qui se rapproche des thèses panthéistes des Nicolaïtes ou des Ubiquitaires soutenant que Jésus-Christ était formellement présent partout et en tous par communication de son essence, selon les seules vertus de la nature humaine, thèses condamnées par l’Eglise qui se retrouvent paradoxalement dans tous les textes et ouvrages publiés s’appuyant sur les théories conciliaires.

Or, il importe de le redire, Dieu ne s’est pas fait homme en transmettant sa nature divine indistinctement à tous les hommes, du simple fait de son Incarnation – c’est une pure folie, non chrétienne, new-âge et panthéiste de l’affirmer ! Il s’est fait homme pour nous sauver du péché et de la mort par le sacrifice de la Croix et nous accorder les promesse du Royaume et de la vie éternelle, pas pour magnifier notre indigne et mondaine humanité terrestre vendue, selon la chair, à l’adversaire de Dieu ! [6]

Lorsqu’on songe que la déclaration « Dignitatis humanæ » sur la liberté religieuse est en contradiction avec l’encyclique « Quanta cura » et le « Syllabus » de Pie IX, avec les encycliques « Libertas præstantissimum » et « Immortale Dei » de Léon XIII, avec tout l’enseignement de Pie XII, et que l’un des rédacteurs de « Dignitatis humanae », le Père Yves Congar, écrivit que d’après ce texte, la liberté religieuse était contenue dans la Révélation, avouant lui-même qu’une telle affirmation était un pur mensonge : « À la demande du pape, j’ai collaboré aux derniers paragraphes de la déclaration sur la liberté religieuse: Il s’agissait de montrer que le thème de la liberté religieuse apparaissait déjà dans l’Écriture, or il n’y est pas »., on comprend mieux en quoi le concile Vatican II constitue un acte de rupture formel d’avec la Tradition séculaire de l’Eglise, et représente un poison mortel qu’il convient de combattre et d’éradiquer.

V. Le rejet total du dialogue interreligieux et de la déclaration conciliaire « Nostra Aetate »

Par la même logique irréaliste et panthéiste, qui présida à la rédaction de « Gaudium et Spes », la déclaration conciliaire « Nostra Aetate », à son tour, a soutenu, par un renversement complet des conceptions traditionnelles de l’Eglise et un reniement total de toute sa doctrine ancestrale qui avait son origine dans les Ecritures : « Tous les dieux des nations sont des démons » (Psaumes 96, 5), que : « L’Église reconnaît et apprécie ce qui est vrai et saint dans ces religions ; leurs règles et doctrines apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. » (Nostra Aetate n° 2). Le naturalisme du père Henri de Lubac, ami personnel de l’abbé hindou, le père Jules Monchanin, qui vécu en Inde sous le nom de swami Parama Arubi Ãnandam, est à la source directe de cette folle position panthéiste qui se montrait également dans « Gaudium et Spes » : « L’Esprit Saint offre à tous d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé aux mystères pascal.» (Gaudium et Spes, 22). D’où notre critique sans concession du mirage bouddhiste, de l’hérésie musulmane, des pratiques démoniaques de l’animisme africain ou encore, sous couvert d’un peu crédible rattachement à une prétendue “Tradition primordiale”, de la gnose syncrétiste dont l’occultiste néo-musulman René Guénon se fit l’avocat au XXe siècle.

l’antijudaïsme théologique

Par ailleurs, c’est en ce sens que s’explique notre revendication de l’antijudaïsme théologique qui pose clairement la place centrale du peuple élu dans l’histoire de la Révélation, sans cacher pour autant, en raison de son rejet du Messie par son geste déicide, son retranchement actuel en tant que nation et religion de sa position antérieure, au seul profit de l’Eglise qui, de par les fruits bénis de la Nouvelle Alliance, est devenue l’Israël véritable, alors que le judaïsme rabbinique n’est plus qu’une branche apostate et impie qui n’a strictement plus rien à voir avec le mosaïsme biblique à l’égard duquel il a été foncièrement infidèle. De la sorte, loin donc d’avaliser l’attitude conciliante et complaisante vis-à-vis du judaïsme synagogal, qui témoigne aujourd’hui de la fin définitive de l’Ancienne Alliance,  ou d’approuver  l’inculturation propre à Vatican II, nous soutenons la nécessité d’une évangélisation effective des peuples non chrétiens, y compris l’indispensable effort en direction des juifs “perfides”, et un refus de toute attitude de faiblesse à l’égard des coutumes idolâtres et des rites païens.

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Le peuple hébreu, l’Israël charnel, n’est plus qu’une réalité naturelle

désacralisée dont la filiation divine a cessé

depuis l’instauration de la Loi nouvelle.

« Le peuple hébreu [est] réprouvé comme perfide et ingrat,

après avoir, d’une façon indigne,

ôté la vie à son Rédempteur. »

(Saint Pie V)

A ce titre Vatican II, dont l’immense responsabilité est bien engagée, est en rupture avec toute la Tradition catholique en proposant une vision avantageuse des religions non chrétiennes, invitant au dialogue avec les idolâtres : « changement révolutionnaire opéré par l’Église catholique », a pu dit le père Claude Geffré (cf. De Babel à Pentecôte, Essais de théologie interreligieuse, Cerf, p. 15). C’est pourquoi Mgr Lefebvre écrivait : « Le Concile (DH. 2-3) invoque outre la dignité radicale de la personne humaine, sa quête naturelle du divin : tout homme, dans l’exercice de sa religion quelle qu’elle soit, serait en fait orienté vers le vrai Dieu, en recherche même inconsciente du vrai Dieu, “branché sur Dieu”, si l’on veut, et à ce titre il aurait un droit naturel à être respecté dans l’exercice de son culte. Donc si un bouddhiste fait brûler des bâtons d’encens devant l’idole de Bouddha, selon la théologie catholique, il commet un acte d’idolâtrie, mais à la lumière de la nouvelle doctrine découverte par Vatican II, il exprime “l’effort suprême d’un homme pour chercher Dieu”. Par conséquent cet acte religieux a droit au respect, cet homme a droit à ne pas être empêché de l’accomplir, il a droit à la liberté religieuse. D’abord il y a une évidente contradiction à affirmer que tous les hommes adonnés aux faux cultes sont de soi, naturellement, tournés vers Dieu. Un culte erroné, de soi, ne peut que détourner les âmes de Dieu, puisqu’il les engage dans une voie qui, de soi, ne conduit pas à Dieu. On peut admettre que, dans les fausses religions, certaines âmes puissent être orientées vers Dieu, mais c’est parce qu’elles ne s’attachent pas aux erreurs de leur religion ! Ce n’est pas par leur religion qu’elles se tournent vers Dieu, mais malgré elle ! Par conséquent, le respect qu’on devrait à ces âmes n’impliqueraient pas que l’on doive le respect à leur religion. » (Mgr Marcel Lefebvre, Ils l’ont découronné, Ed. Fideliter, ch. XXVIII, 1987).

De ce fait, la Déclaration « Nostra aetate » promulguée lors de Vatican II, ayant adopté, pour la première fois de l’histoire de l’Eglise, une attitude positive vis-à-vis des religions non chrétiennes, faisant qu’en quittant l’exclusivisme du « Hors de l’Église pas de salut », on a reconnu tout à la fois que ces religions comportaient des éléments importants de vérité (elles sont autre chose que de l’idolâtrie) et que les croyants sincères qui adhèrent à ces religions ont accès au salut, ce qui est de la démence délirante ! ainsi, cela est incontestable, par l’effet des idées toxiques et fantaisistes qui se sont imposées à Vatican II, le pluralisme religieux, soutenu par les idées absurdes au sujet de la dignité de l’homme, est devenu un fait central de la nouvelle pastorale, indigne et apostate, de l’Eglise moderne.

VI. La lutte contre le modernisme et le libéralisme

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‘‘O CRUX AVE ! SPES UNICA’’

(Salut ô Croix, unique espérance)

De ce fait, on ne s’étonnera pas de nous voir lutter avec force contre les thèses modernistes qui sont un venin terrifiant pour le devenir de la Foi de l’Eglise, considérant, à la suite de Mgr Lefebvre [5], que Vatican II est un concile schismatique porteur de conceptions scandaleuses touchant à la fallacieuse « Dignité de l’Homme », nous faisant adhérer pleinement à la déclaration du fondateur d’Ecône : « Nous adhérons de tout coeur, de toute notre âme, à la Rome catholique, gardienne de la Foi catholique (…) Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues (…) C’est pourquoi nous nous en tenons fermement à tout ce qui a été cru et pratiqué dans la foi, les moeurs, le culte, (…) en attendant que la vraie lumière de la Tradition dissipe les ténèbres qui obscurcissent le ciel de la Rome éternelle. » (Mgr Marcel Lefebvre, Déclaration du 21 novembre 1974).

Cette question du statut de l’homme, est donc une question de souveraineté car il s’agit d’une question souveraine, question qui éclaire les mécanismes existentiels et qui préside à la réponse que nous pouvons leur donner. Et cette maîtrise n’est pas la bruyante caricature d’une domination de pure force sur une réalité, toujours changeante et fuyante, c’est une maîtrise religieuse, éclairée par l’Ecriture Sainte et ayant donc son emprise sur la vérité du Ciel, ne confondant pas la surface simplificatrice d’un discours, et l’essence d’une présence divine, seule en mesure d’habiter véritablement les cœurs, néanmoins accompagnée d’une force de conviction devant les menaces et les dangers actuels, reprenant l’injonction que fit Abraham a Sancta Clara (1644-1709), né comme Heidegger à Messkirch, à ses contemporains au moment où les Turcs menaçaient Vienne en 1683, en publiant un ouvrage intitulé sous la forme d’un cri que nous reprenons volontiers à notre tour :

« Auf, auf ihr Christen ! »

(Levez-vous ô Chrétiens) [7].

Notes.

[1] Nous ne cachons pas, suivant en cela Monseigneur Lefebvre, notre profonde hostilité aux thèses nocives empreintes de naturalisme, d’immanentisme, de libéralisme et de modernisme, qui se sont infiltrées lors du concile Vatican II, et qui traversent l’ensemble de ses actes frappés par de nombreuses et évidentes erreurs doctrinales. La plupart des textes conciliaires étant, fort heureusement, des « constitutions pastorales » couvertes du seul magistère ordinaire (donc non infaillible) de l’Eglise, comme l’a bien expliqué le pape Paul VI : « étant donné le caractère pastoral du concile, il a évité de prononcer d’une manière extraordinaire des dogmes comportant la note d’infaillibilité, mais il a muni ses enseignements de l’autorité du magistère ordinaire suprême ; ce magistère ordinaire et manifestement authentique doit être accueilli docilement et sincèrement par tous les fidèles, selon l’esprit du concile concernant la nature et les buts de chaque document. » [Paul VI, 12 janvier 1966 ; DC, 1966, col. 418-420], nous nous autorisons donc, légitimement, à en refuser les conclusions erronées, et à en dénoncer les fruits extrêmement vénéneux, rejoignant l’analyse critique de Jean-Paul II, lorsque, dans un bref instant de lucidité, parlant des conséquences du concile, il écrivit : « des idées contredisant la vérité révélée et enseignée depuis toujours ont été répandues à pleines mains ; de véritables hérésies ont été propagées dans le domaine dogmatique et moral, créant des doutes, des confusions, des rébellions […] même la liturgie a été manipulée » (Discours au 1er congrès national sur les missions populaires, 6 février 1981 [DC, 1981, 346]. Ceci dit sans oublier le terrifiant aveu de Paul VI qui ira jusqu’à parler d’une influence satanique qui fit suite à Vatican II : « La fumée de Satan s’était répandue dans le Temple de Dieu à la suite du Concile Vatican II. On croyait qu’après le concile le soleil aurait brillé sur l’histoire de l’Église. Mais au lieu de soleil, nous avons eu les nuages, la tempête, les ténèbres, la recherche, l’incertitude ». (Paul VI, Homélie du 29 juin 1972).
[2] Quelques uns ont pu, naïvement, considérer faute de disposer d’arguments plus sérieux, que les virulentes critiques exprimées par nos soins, dans la mesure où nous avions fait le choix, bien évidemment parfaitement conscient pour diverses raisons qui nous appartiennent, d’oeuvrer sous couvert d’un pseudonyme, relevaient d’une attitude discutable. Rappelons que l’anonymat (du grec anonymos « sans nom » ), désigne précisément la qualité de ce qui est « sans nom » ou plus exactement « sans renommée », c’est-à-dire l’état d’une personne qui se refuse à être connue pour son activité, d’écriture en particulier, en écartant le piège de la célébrité narcissique qui menace toujours, y compris, même et surtout, les meilleures intentions. Ainsi cette absence de renommée, soit cet « anonymat », est une garantie pour nous de pouvoir toujours disposer d’une entière liberté de ton, en étant lié par aucune nécessité ni en dépendance d’une raison mondaine. Par ailleurs, sachant avec quelle vitesse vient se glisser dans l’écriture sa compagne éternelle, soit la complaisante vanité qui, comme le précisa La Rochefoucauld, « si elle ne renverse pas entièrement les vertus, du moins elle les ébranle toutes » , nous savons trop combien il importe de se garder des pièges dans lesquels croupissent les actuels littérateurs prétendument « chrétiens », si généreux de leur identité au point de chercher à l’imposer de toutes parts oeuvrant, avec une rare énergie visible et un touchant dynamisme, à faire figurer leurs noms sur le moindre petit bout de papier imprimé. D’autre part connaissant plus qu’il n’est nécessaire, les vices d’une nature corrompue depuis l’orgueil d’Adam qui, pleine d’artifices, « trompant, n’a jamais d’autre fin qu’elle‑même, travaille pour son intérêt, et calcule le pro­fit qu’elle peut tirer d’autrui, reçoit de bonne grâce les honneurs et les respects, craint la confusion et le mépris, a des yeux pour les biens du temps, se réjouit d’un gain terrestre, s’afflige d’une perte, et s’irrite d’un seul petit mot d’injure, fait tout pour le gain et l’intérêt propre ; ne peut rien faire de désintéressé ; mais pour ce qu’elle fait de bien, elle espère recevoir ou autant ou mieux, ou la faveur, ou des louanges; elle souhaite vivement que l’on estime ce qu’elle fait, ce qu’elle donne, ce qu’elle dit, sourit aux puissants, flatte les riches, et applaudit à ses sem­blables, prompte à se plaindre de ce qui l’offense, rapporte tout à elle – pour elle, elle combat et discute – elle veut se montrer et toucher à tout, elle veut être connue, et s’attirer les louanges et l’admiration », nous nous prévenons contre cette photographie très réaliste et exacte de la nature humaine qui nous la montre prise sur le fait, et nous conduit donc à nous maintenir à distance de ses menaçants artifices. Enfin, détail fort intéressant s’il en est, cette photographie est bien anté­rieure à la photographie moderne, puisque l’auteur de ce tableau n’est guère connu, et n’a absolument pas cherché à l’être, puisque c’est l’auteur, « ANONYME », de L’Imitation de Jésus-Christ.

[3] Le Saint Père Benoît XVI a encouragé l’œuvre d’apostolat en ces termes : « …comme aux commencements, aujourd’hui aussi le Christ a besoin d’apôtres prêts à se sacrifier eux-mêmes. Il a besoin de témoins, prêtres ou laïcs, et de martyrs comme saint Paul: autrefois violent persécuteur des chrétiens, lorsque sur le chemin de Damas il tomba à terre ébloui par la lumière divine, il passa sans hésitation du côté du Crucifié et il le suivit sans regret. Il vécut et travailla pour le Christ; pour Lui, il souffrit et il mourut. Combien son exemple est aujourd’hui d’actualité ! » (Homélie du Pape Benoît XVI, 28 juin 2007, à Saint-Paul Hors-les-Murs)

[4] « L’idéologie des Droits de l’Homme, le libéralisme, n’est pas une hérésie ordinaire, c’est l’hérésie propre, personnelle de Satan, puisqu’elle consiste, pour la créature, à usurper à son profit l’indépendance et la souveraineté qui n’appartiennent qu’à Dieu, de toute éternité, et dans l’ordre des temps à Notre Seigneur Jésus-Christ. (…) On voit par là en quoi le libéralisme moderne diffère de tout ce qui l’a précédé en fait de révolte et de péché. C’est le péché lui-même, le dernier terme et le plus haut degré du péché. Le libéralisme appelle “l’homme de péché”, il prépare les voies à l’Antéchrist. “Suivre le courant”, c’est à quoi se résument ces fameuses inventions et ces grandes fiertés du Libéralisme catholique. Le libéralisme “catholique” n’est autre chose, en effet, que l’esprit révolutionnaire cherchant à s’introduire dans l’Eglise elle-même.» (Pie IX, Déclaration du 18 juin 1871, Société de Saint-Augustin, Desclée De Brouwer et Cie, Paris 1899, p. 223)

[5] L’erreur anthropologique et théologique de Jean-Paul II provient d’une conception phénoménologique erronée qui consiste en une inexactitude christologique dont la gravité est extrêmement importante sur le plan des conséquences puisque, dans sa vision, se servant de la dualité des natures dans Jésus-Christ, le théologien Karol Wojtyla en est arrivé à inférer en vertu de la “communication des idiomes ”, les attributs de la nature divine à la nature humaine dans le Christ, pour ensuite considérer qu’ils lui appartiennent en propre, et donc, par cette appartenance, l’étendre à tout homme en tant qu’il est homme – ce qui apparente objectivement cette position aux visions panthéistes, et ramène les positions de l’Eglise conciliaire au new âge. Jean-Paul II cherchera de nombreuses fois à dissimuler la nouveauté de sa pensée, en citant inlassablement afin de conférer un vernis de crédibilité à ses thèses, une phrase du paragraphe 22 de la Constitution conciliaire « Gaudium et Spes » selon laquelle « le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme par son Incarnation ». Mais ce que l’on ignore c’est que cette phrase a été introduite dans le schéma conciliaire sur proposition de Mgr Karol Wojtyla lui-même, alors archevêque de Cracovie ! De la sorte en citant continuellement « Gaudium et spes 22, 2 », faute de trouver le moindre fondement à une telle pensée dans la Sainte Écriture ou dans les Pères de l’Église, Jean-Paul II, tout au long de son pontificat, se citait donc lui-même !

[6] La déification promise à l’homme et dont parlent les pères de l’Eglise, n’a rien à voir avec une divinisation de l’état naturel, et s’obtient par deux critères essentiels :

– Le baptême, la naissance à la « vie surnaturelle », puis la sanctification par les sacrements, la prière, etc.

– Le temps, sachant que les promesses du Christ affirmant que nous verrons Dieu sans voile et participerons de sa vie, promesses réelles et magnifiques évidemment, ne portent et ne parlent que de notre état post mortem, non sur la glorification de notre nature humaine présente, misérable et pécheresse, ici-bas vivant en un monde livré aux puissances du « Malin » (I Jean 5, 19).

[7] De son vrai nom Ulrich Megerle, Abraham a Sancta Clara est né le 02 juin 1644 à Kreenheinstetten près de Messkirch en pays de Bade. Entré en 1662 dans le couvent des Augustins déchaussés (Barfüsser-Augustiner), et après avoir vécu sept ans à Graz, il commence sa carrière de prédicateur à la chaire de l’église des Augustins de Vienne en 1669 et la continue sans interruption jusqu’à sa mort le 1er décembre 1709. En plus de ses sermons il a publié plusieurs ouvrages dont le principal est : Judas der Erzschelm (Judas, l’infâme), publié entre 1686. Au moment où les Turcs menacent directement Vienne en 1683 il publie : Auf, auf ihr Christen ! (Levez-vous ô Chrétiens). Cet écrit a servi de base à la Kapuzinerpredigt (le sermon du Capucin) inclus dans la pièce Wallensteins Lager de Schiller.

LA QUESTION